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Beaumelle. Ce qui est sûr, c’est que la plupart de ces dates mises après coup sont erronées, et M. Lavallée a eu le tort de les transcrire en les modifiant à son tour, quelquefois d’accord avec la vérité historique, quelquefois de la façon la plus arbitraire, sans avertir le lecteur par la moindre note ni par le moindre signe typographique de l’addition qu’il faisait ainsi aux textes originaux. De la sorte, à ne juger que d’après sa publication, on était fondé, cela est certain, à lui chercher querelle et à lui adresser des objections graves. Il induisait une première fois son critique en erreur lorsqu’il donnait comme exactement reproduites d’après les autographes ces dates conjecturales, et il l’y confirmait en passant sous silence ce qu’il avait pu recueillir sur la provenance et l’âge des manuscrits.

Voulons-nous maintenant renverser une à une les objections du critique, rien de plus facile. Vous accusez une lettre qui, parlant de la cour à Fontainebleau, est datée de septembre 1696, quand Dangeau atteste que la cour était alors dans une autre résidence. — La réponse est aisée : la pièce autographe porte simplement ces mots : « dimanche, à 3 heures. » — Une autre lettre porte en suscription ces mots : « dimanche, 12 septembre 1695, » quand les almanachs démontrent que le 12 septembre 1695 était un lundi ? — Vous avez raison ; mais l’autographe porte cette seule indication : « 11 septembre. » Une lettre du 28 septembre de la même année fait dire à Mme de Maintenon que le père Lachaise veut faire publier la satire de Despréaux sur l’amour de Dieu, tandis qu’on sait, par une lettre de Boileau à Racine, que l’épitre sur l’amour de Dieu fut seulement en 1697 lue par Boileau au père Lachaise et communiquée à Mme de Maintenon. — Soit, mais l’autographe donne seulement « 28 septembre. » Quant à la confusion entre les mots épitre ou satire, elle n’a pas d’importance ; Bossuet dit : l’hymne de M. Despréaux[1]. — Dans tous ces exemples, M. Grimblot nous

  1. Les objections d’autre nature faites par M. Grimblot ne sont difficiles à ruiner, croyons-nous, que par leur ténuité même. — Si Mme de Maintenon, pendant un séjour à Fontainebleau, écrit à l’archevêque de Paris qu’elle espère sa visite à Saint-Cyr, qui vous dit qu’elle espère cette visite très prochaine ? — Vous vous étonnez que Mme de Maintenon écrive le 22 au même personnage : « Je reçois en ce moment votre lettre du 11. » Qui croira, dites-vous, qu’en 1695 une lettre mit onze jours de Paris à Fontainebleau ? Mais ne sait-on pas que le commerce entre Mme de Maintenon et M. de Noailles était en partie secret ? M. Tiberge, aumônier de Saint-Cyr, et le marquis de Montchevreuil en étaient les intermédiaires ordinaires ; les retards s’expliquent. — Un billet de cinq lignes annonce l’arrestation de Mme Guyon. il porte pour toute date : « mardi, 7 heures du soir. » M. Lavallée ajoute : « décembre 1695, » et le place avant une lettre du 12 de ce mois. Là-dessus vous remarquez que Dangeau ne parle de cette arrestation que le 20 janvier 1696, en disant qu’elle se fit « ces jours passés, » et que Saint-Simon, lui aussi, la place au commencement de 1696. — Y a-t-il là une vraie difficulté ? Non. Mme Guyon est arrêtée le 27 décembre 1695, un mardi. Mme de Maintenon, avertie des