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pent aussi assurément ; nous ne saurions toutefois leur savoir mauvais gré de leur salutaire défiance. La critique appelle la critique, les problèmes s’élaborent, les occasions d’erreur sont signalées, la conscience littéraire devient plus scrupuleuse, et finalement la discussion profite à la seule cause qui nous intéresse, à la cause de la vérité historique.

On sait qu’un homme de lettres enlevé trop tôt par la mort, et qui a laissé un nom honorable, M. Théophile Lavallée, avait entrepris de nous donner enfin une édition complète et fidèle des œuvres de Mme de Maintenon. On ne connaissait avant lui ces œuvres, — on ne les connaît encore aujourd’hui, en partie du moins, — que par l’étrange publication qu’en avait faite La Beaumelle au milieu du XVIIIe siècle avec d’incroyables libertés à l’égard de son texte. Indépendamment d’une Histoire de la maison de Saint-Cyr, et des Mémoires de Languet de Gergy, longtemps aumônier de cette maison, M. Lavallée a donné une série de dix volumes comprenant les Lettres et entretiens sur l’éducation des filles, les Lettres historiques et édifiantes, adressées aux dames de Saint-Cyr, et les Conseils aux demoiselles qui entrent dans le monde, la série s’achevait par une Correspondance générale dont le quatrième volume parut il y a deux ans, quand le laborieux éditeur était déjà près de succomber. Ce quatrième volume contenait surtout la première partie (jusqu’à la fin de 1701) de l’importante correspondance avec les Noailles, — avec le cardinal, qui eut longtemps, comme évêque de Châlons, puis comme archevêque de Paris, toute la confiance de Mme de Maintenon pour les affaires de l’église et de l’état, — avec le duc, devenu par son mariage avec Mme d’Aubigné le neveu de Mme de Maintenon et l’objet de toutes ses prédilections. Comment et d’après quels papiers M. Lavallée publiait-il ces lettres, dont La Beaumelle avait donné un texte différent ? Là était tout l’intérêt de ce dernier volume. M. Lavallée avait naguère exprimé publiquement son regret de n’avoir pas encore rencontré les originaux de cette correspondance avec les Noailles et sa crainte de ne pouvoir les retrouver prochainement. Voici pourtant que son tome quatrième ne laissait rien à désirer ; il avait eu, disait-il, à point nommé, dans le cabinet de M. le duc de Cambacérès, les originaux si longtemps souhaités, et c’étaient ces originaux, souvent fort différens du texte jusque-là connu, qu’il reproduisait. Cette bonne fortune parut suspecte ; à peine le nouveau volume était-il publié qu’il devenait l’objet d’une vive attaque. Un critique versé dans les études historiques et diplomatiques en même temps qu’orientaliste habile, M. Grimblot, contesta l’authenticité des documens que M. Lavallée avait crus originaux. L’inexactitude de certaines dates et le désaccord entre