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en usage chez les contre-pointistes. Cette musique vous rappelle à la fois et les peintures de Véronèse et ces fêtes du rite italien, qui sont également des fêtes populaires où la vie déborde à torrens. Le bon vieux Carpani disait que, lorsqu’il pensait à son Dieu, le cœur lui battait de joie et battait ainsi la mesure à sa musique. L’inspiration religieuse du Stabat procède de ce mouvement : c’est la subjectivité de la musique d’église contemporaine portée à son plus violent degré de coloration. Le rituel cesse d’être le principal et s’efface devant la personnalité du musicien, de telle sorte qu’il s’agit beaucoup moins du texte même que de ce que le compositeur a senti et rêvé à propos de ce texte.

Qu’est-ce en définitive musicalement que le style religieux proprement dit? Qu’un auteur écrive aujourd’hui un morceau d’église de la même façon dont Haendel traitait, il y a cent ans, ses morceaux de concert ou d’opéra, et tout le monde s’extasiera sur la parfaite convenance de ce langage. C’est donc alors que, pour écrire canoniquement, il faut employer de vieux modes, restaurer d’antiques formes hors d’usage. Prendre une lettre morte et s’en servir pour vivifier l’esprit est un procédé digne du temps des Epigones, et dont ni l’église ni l’art ne sauraient tirer profit. Voyons-nous que les réformateurs du XVIe siècle, voyons-nous que les grands maîtres des périodes créatrices se soient fait ce raisonnement? Palestrina, Haendel, Bach, Haydn, Mozart et Beethoven eux-mêmes ont composé leur musique spirituelle dans la forme qui leur était propre, et, s’il leur arriva de recourir aux erremens du passé, ce fut par occasion et sans parti-pris. Seul Mendelssohn afficha le système, et se fit gloire de prouver aux générations nouvelles que, pour écrire de la musique d’église, il fallait absolument chausser les souliers à boucles, endosser la rhingrave et coiffer la perruque des stylistes du temps jadis. Cet exemple, que vient-il démontrer? Non pas que la vieille mode est l’unique bonne pour habiller la musique d’église, mais tout simplement que dans la religion comme dans l’art toute foi naïve manque aujourd’hui. Musique d’église, musique spirituelle et musique mondaine, qui songe à ces définitions aux époques de vraie croyance? Que le goût régnant soit frivole, je l’admets volontiers. Où commence l’erreur, c’est quand on s’imagine qu’il ne saurait y avoir d’édifiant que ce qui est vieux, démodé. Édifiante cette musique, et pourquoi? Est-ce parce que, les agrémens qui en faisaient le charme pour les générations d’autrefois étant effacés, nous n’en saisissons plus que la partie aride et frappée de vétusté? Mais alors autant vaudrait dire que l’ennui seul édifie l’âme et le proclamer article de foi.

On a beaucoup reproché à Rossini d’avoir, dans son Stabat, abusé du style dramatique et porté jusqu’au pied de l’autel le pa-