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prospérité du pays, mais sur les questions d’organisation intérieure il ne semble pas avoir eu d’idées très arrêtées. En 1835 seulement, la Belgique ayant à traverser une crise très grave, il intervint avec une énergie que Louis-Philippe n’hésita pas à blâmer dans ses lettres intimes.

Le roi Guillaume n’avait pas encore adhéré au traité réglant définitivement les bases de la séparation de la Hollande et de la Belgique, de sorte que le Limbourg et le Luxembourg étaient restés unis à la Belgique. Désespérant enfin d’en arriver à une restauration qu’il avait longtemps crue possible, il accepta le traité dit des vingt-quatre articles, et la conférence de Londres, réunie de nouveau, décida que ce traité recevrait son exécution. C’était pour les Belges une bien cruelle extrémité, car ils devaient, en se conformant aux résolutions des grandes puissances, rejeter pour ainsi dire du sein de la patrie des compatriotes qui désiraient y rester. Des écrits éloquens protestèrent contre une lâche soumission, des associations se formèrent pour organiser la résistance, le patriotisme s’enflamma dans tout le pays, les chambres même s’y associèrent par des adresses et en décrétant des armemens extraordinaires. Loin de le modérer, le roi sembla se mettre à la tête du mouvement, lorsqu’on ouvrant la session, le 13 novembre 1838, il déclara dans le discours du trône que « les droits du pays seraient défendus avec persévérance et courage. » Léopold espérait encore rallier à sa cause lord Palmerston et Louis-Philippe, car au fond, en plaidant pour les droits de la Belgique, il défendait un intérêt européen. Détacher la moitié du Luxembourg d’un pays auquel l’unissaient les souvenirs historiques, la communauté d’origine, l’avenir de ses industries, les vœux unanimes de ses habitans, pour en faire une petite principauté isolée entre la France et la Prusse, rattachée aux Pays-Bas par un lien purement dynastique, et à l’Allemagne par les lois de la confédération germanique, c’était évidemment une détestable combinaison. À propos du Luxembourg comme au sujet de la Crète, Léopold avait vu juste. Il considérait l’avenir, tandis que la diplomatie ne s’occupait, comme toujours, que du présent. Si en 1838 le Luxembourg avait été conservé à la Belgique moyennant une compensation que les chambres offraient de porter à plus de 100 millions, on n’aurait pas vu en 1867 cette question devenir presque l’occasion du conflit le plus malheureux que puisse avoir à déplorer la civilisation européenne. Abandonnée par ses alliés naturels, l’Angleterre et la France, la Belgique dut se soumettre à un sacrifice que les grandes puissances regretteront probablement encore longtemps de lui avoir imposé.

Les difficultés extérieures terminées, les deux partis dont l’union