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recettes publiques. Ces impôts rapportaient alors 100 millions; ils en rapportent 300 aujourd’hui. En même temps, malgré les royalistes outrés, qui prétendaient que le roi n’avait qu’un compte sommaire à rendre à ses sujets, il présenta aux chambres un projet de budget avec le détail complet des recettes et des dépenses, et provoqua l’examen public de ses propositions. Le budget n’ayant été jusqu’alors présenté au corps législatif que pour la forme, cette dérogation aux habitudes impériales fit le meilleur effet. Ce n’était pas seulement une révolution financière, fait remarquer justement M. Calmon, c’était une révolution politique; le gouvernement parlementaire était fondé, et à M. le baron Louis revient l’honneur d’en avoir posé les premières bases.

Les conséquences de son administration se développèrent rapidement. Le 20 mars 1815, le recouvrement des contributions était à jour ; 131 millions de l’arriéré avaient été soldés, les obligations pour l’acquitter étaient au pair, la rente avait atteint le cours de 80 francs, les biens non vendus des émigrés avaient été restitués à leurs propriétaires, tous les services étaient au courant, le trésor avait un encaisse de 50 millions. Le retour de Napoléon replongea la France dans le chaos. Les cent jours, qui ont fait tant de mal, bouleversèrent les finances. Après la seconde invasion, on se trouva en présence d’un milliard d’arriéré à solder et d’un autre milliard à payer aux étrangers comme contribution de guerre. À ces malheurs venait se joindre une succession de mauvaises récoltes; la famine approchait. Le baron Louis fut appelé de nouveau au ministère. Son premier soin fut de proclamer, malgré les cris des royalistes, que le gouvernement royal acquitterait toutes les dettes de l’empire, et par cette simple déclaration il fonda le crédit public. La confiance se ranima peu à peu. Les premiers emprunts furent contractés à des taux onéreux; il fallut donner le 5 pour 100 à 52 fr. Les emprunts suivans se firent à des conditions meilleures, et au bout de trois ans les étrangers durent évacuer le territoire après avoir reçu ce qu’ils avaient exigé. Non-seulement les créanciers de l’état ne perdirent rien, mais ils gagnèrent à la hausse des fonds publics. La France reparut avec la plénitude de ses ressources, et plus sa situation avait semblé désespérée, plus elle étonna l’Europe par cette prompte résurrection.

Ce ne fut pas le baron Louis qui dirigea les détails de la liquidation. La nouvelle chambre, élue dans le premier entraînement de la réaction contre les cent jours, se composait de royalistes exaltés qui le regardaient comme un révolutionnaire. Il avait pour collègue dans le ministère son ancien ami, M. de Talleyrand, que repoussaient encore plus les répugnances des députés. Tous deux se retirèrent, et un nouveau cabinet se forma sous la présidence du duc de Richelieu. M. Corvetto y avait le portefeuille des finances. Collaborateur du baron Louis, il partageait ses idées. La chambre introuvable ayant été dissoute par l’ordonnance du 5 septembre, de nouvelles élections donnèrent une majorité plus mo-