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mieux qu’aucune autre ces rapports et en explique l’origine. Ajoutons seulement qu’en substituant l’idée de filiation et de parenté réelle à la notion d’affinité et de simple voisinage, Darwin accroît de beaucoup l’intérêt déjà si grand qui s’attache à cet ordre de recherches. Il se rencontre ici parfaitement avec Lamarck, et il est à regretter qu’il n’ait pas suivi l’exemple de son devancier en dressant le tableau généalogique des groupes principaux du règne animal, ou tout au moins en faisant l’application de ses idées à un certain nombre de types. Mlle  Royer, dans quelques-unes des nombreuses notes où elle a fait preuve souvent d’un vrai savoir, l’a complété sur ce point. Partant de la classe des poissons, l’habile interprète de Darwin voit naître au sein des eaux des poissons volans, pères des reptiles volans de l’ancien monde et de nos oiseaux actuels, des poissons rampans, qui se transformèrent en reptiles ordinaires d’où sortirent à leur tour les mammifères. Il est à remarquer que, dans ces développemens très logiques de la pensée de son maître, Mlle  Royer se rencontre avec Lamarck à peu près autant que le permettent les progrès de la science. Comme lui, entre autres, elle attribue à une métamorphose régressive l’apparition du type des cétacés.

Évidemment la conception de Darwin comme celle de Lamarck, la sélection naturelle comme le développement par suite des habitudes, conduisent à admettre qu’il ne peut y avoir de distinction tranchée d’espèce à espèce, à plus forte raison de groupe à groupe. Nous savons tous pourtant qu’il n’en est pas ainsi, et nous avons vu le naturaliste français rendre compte de ces irrégularités par des circonstances accidentelles quand il ne trouvait pas d’espèces intermédiaires, comme l’ornithorhynque. Ne tenant pas compte des données paléontologiques, encore bien imparfaites, il est vrai, il ne pouvait guère en effet invoquer d’autres raisons. Venu près d’un demi-siècle après lui, le savant anglais avait de bien autres faits à sa disposition, et c’est précisément la paléontologie qui les lui fournit. Comme l’avaient fait Blainville et bien d’autres depuis, c’est aux faunes, aux flores éteintes, qu’il demande les types intermédiaires destinés à combler les différences trop tranchées qui isolent nos genres, nos ordres, nos classes, et parfois, il faut l’avouer, elles semblent répondre à son appel. « Le cochon et le chameau, le cheval et le tapir, sont des formes parfaitement distinctes pour tous et à première vue ; mais, si nous intercalons entre eux les divers mammifères fossiles qui ont été découverts dans les familles dont ces genres font partie, ces animaux se trouvent rattachés les uns aux autres par des liens de transition assez serrés. » Trop souvent cependant la paléontologie est muette, et ne fournit pas les types de transition désirés. Darwin explique ces lacunes par l’imperfection de notre savoir, par l’insuffisance des documens géologiques. Il ne