Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lait devant aucune dépense. Ayant appris que S’Gravesande, un célèbre professeur de mathématiques qu’il avait connu en Hollande, venait d’inventer un instrument (nommé héliostat) pour fixer un rayon de soleil, il lui en demande aussitôt le dessin et se hâle de faire construire l’appareil ; il se réjouissait de pouvoir entreprendre ainsi des expériences d’optique que la mobilité du soleil lui rendait auparavant fort difficiles. « Depuis Josué, écrivait-il à S’Gravesande, personne avant vous n’avait arrêté le soleil. » Non-seulement il mettait des instrumens dans son laboratoire, mais il voulait y placer aussi des préparateurs, des jeunes gens capables de l’aider dans ses expériences. À l’abbé Moussinot, il demandait de lui chercher un jeune chimiste ; il est vrai qu’il voulait un chimiste à deux fins qui fût en état de dire la messe dans la chapelle de Cirey. À son ami Thiriot, il demandait un aide-physicien versé dans la pratique de l’astronomie. Moussinot ne paraît pas avoir trouvé de chimiste ; mais Thiriot fournit son physicien : ce fut un jeune homme, du nom de Cousin, que Voltaire entretint quelque temps à Paris en lui donnant l’ordre de suivre les travaux de l’Observatoire et de s’habituer à la manipulation des instrumens.

Pour compter comme physicien, c’est déjà quelque chose que d’avoir un laboratoire et aussi un préparateur. Pourtant ce n’est pas tout, et il est temps que nous jugions Voltaire d’après ses travaux. Deux œuvres principales, deux petits traités, marquent la période pendant laquelle il s’adonna aux sciences dans la retraite de Cirey : ce sont d’une part les Elémens de la philosophie de Newton et d’autre part un Essai sur la nature du feu. Le premier de ces livres est ce que nous appelons maintenant une œuvre de vulgarisation ; cependant Voltaire n’a pas laissé d’y introduire quelques vues personnelles. Quant à l’essai sur le feu, c’est un travail tout à fait original et le résultat d’études intéressantes.

Les Élémens de la philosophie de Newton sont divisés en trois parties, dont la première se rapporte à la métaphysique, la seconde contient l’exposé des travaux de Newton sur l’optique, la troisième est consacrée à la grande découverte de l’attraction universelle. La première partie était le résumé d’une polémique qui avait été soulevée vers 1715 par Leibniz au sujet des idées de Newton. Newton, déjà vieux et affaibli, avait laissé Clarke, son disciple, entrer en lice à sa place, et les deux adversaires avaient donné au monde littéraire le spectacle d’une sorte de tournoi philosophique. On y avait traité des principales questions qui intéressent la conception de l’univers, et qui formaient dans les idées du temps les préliminaires obligés de toute théorie physique.

D’accord sur l’existence de Dieu et sur la preuve qu’on en peut