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tain nombre de faits de cette nature chez les pigeons ; il en rappelle quelques autres signalés déjà par des naturalistes antérieurs, mais qui étaient restés isolés. En groupant ces divers résultats, il en tire une conclusion générale qui a dans sa théorie de très fréquentes applications. Les corrélations de croissance, telles que les entend Darwin, ne sont pas du reste un phénomène isolé. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire avait déjà reconnu que quelque chose d’analogue se passe chez les monstres ; Cuvier avait insisté sur les harmonies organiques ; de tout temps, les physiologistes se sont occupés des sympathies qui se manifestent entre les organes fort éloignés et en apparence entièrement étrangers l’un à l’autre, la membrane du nez et le diaphragme par exemple. Ce sont là autant de faits du même ordre, et qui tous proclament les rapports intimes qu’ont entre elles toutes les parties du même être vivant.

La compensation et l’économie de croissance de notre auteur se rattachent à la même donnée générale. « Afin de dépenser d’un côté, dit-il avec Goethe, la nature est forcée d’économiser de l’autre, » et il cite plusieurs exemples d’animaux ou de plantes qui montrent, à côté de l’exagération d’un organe, l’amoindrissement ou tout au moins l’état stationnaire d’un autre. Que la sélection intervienne, la loi d’accumulation accroîtra ces différences, et il se formera des races distinctes. Il est évident que les types nouveaux s’écarteront des types originels à la fois par l’amoindrissement des organes progressivement réduits et par le développement des appareils graduellement développés. C’est une application particulière du principe que Geoffroy Saint-Hilaire appelait la loi du balancement des organes, loi que tout montre être aussi vraie en physiologie qu’en anatomie et en tératologie.

Ainsi, selon Darwin, une influence primitive exercée par le père ou la mère sur le germe naissant et l’habitude quelque peu aidée par les actions de milieu engendrent d’abord des variations plus ou moins locales que la corrélation et la compensation de croissance multiplient encore. Parmi les caractères nouveaux résultant de ces diverses causes, les uns sont propres à aider l’individu dans la lutte pour l’existence, d’autres lui sont nuisibles, un certain nombre peuvent être indifférens. Ces derniers n’ont évidemment aucune influence sur la destinée de l’être ; mais on comprend qu’il ne saurait en être de même des autres. Les premiers lui assurent la victoire dans la bataille de la vie, les seconds entraînent inévitablement sa perte. Nous en revenons ainsi à la sélection, puis à l’hérédité, qui confirment et développent de génération en génération ces caractères différentiels. On voit que le résultat général doit être un perfectionnement progressif analogue à celui qu’admettait Lamarck, mais bien plus logiquement motivé. « On peut dire par métaphore