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là, il se sépare radicalement de de Maillet, de Robinet, dont toutes les hypothèses reposent sur celle de la préexistence des germes, et il est vraiment difficile de comprendre comment on a pu comparer ses conceptions aux leurs.

Comme Lamarck aussi, dès le début de son livre, Darwin signale la variabilité de l’espèce chez les animaux et les végétaux domestiques ou sauvages, et les faits généraux sur lesquels il appelle l’attention sont ceux-là mêmes qu’invoquait le naturaliste français, c’est-à-dire l’existence de nombreuses espèces douteuses, la difficulté qu’on rencontre souvent à distinguer l’espèce de la variété, la présence de nombreuses variétés héréditaires dans nos fermes, dans nos basses-cours, dans nos jardins, dans nos vergers. Toutefois Lamarck, préoccupé avant tout des problèmes de la méthode naturelle et des rapports des êtres vivans entre eux, mêle à ses études sur la variabilité des considérations étrangères à cette question, et les espèces sauvages l’entraînent d’abord. Darwin, tout entier à son sujet, étudie en premier lieu les espèces domestiques, c’est-à-dire celles où le fait qu’il s’agit de mettre hors de doute est le plus évident, le plus incontestable. Par cela même, il s’est montré à la fois plus logique et plus précis que son prédécesseur. Là est en effet le point de départ obligé de toutes les recherches analogues à celles dont il s’agit ici. Darwin l’a si bien compris que c’est encore par l’histoire des êtres soumis à l’empire de l’homme qu’il a commencé la publication de ses preuves détaillées. Le premier chapitre du livre sur l’origine des espèces est devenu un ouvrage en deux volumes où l’auteur étudie les phénomènes de la variation chez les animaux et les plantes sous l’influence de la domestication. L’analyser ici serait impossible ; il suffira d’ailleurs d’un exemple pour montrer la nature des questions générales et le nombre immense de questions spéciales soulevées par cet ordre de recherches.

Le pigeon est un des animaux les plus anciennement domestiqués, et il a en outre attiré de tout temps l’attention des amateurs. D’après M. Birch, cité par Darwin, on reconnaît les pigeons parmi les mets d’un repas servi sous la quatrième dynastie égyptienne, c’est-à-dire il y a cinq ou six mille ans environ. Au temps de Pline, de riches amateurs recherchaient les plus belles races avec un soin extrême, et la généalogie des pigeons était alors aussi régulièrement tenue à Rome que celle des chevaux l’est de nos jours en Angleterre. Plus tard, Akber-Kan, au milieu de ses triomphes, se livrait avec passion à l’élevage de ces oiseaux, se faisait suivre partout de volières portatives, et surveillait lui-même le croisement des di-

    inspirant de la science actuelle, me semble rappeler à bien des égards celle d’Erasme Darwin. (Zoonomie, section XXXIX.)