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solennelle professé une doctrine contraire à ces bulles, qui, rédigées comme aux temps désastreux de Grégoire VII, avaient excité l’indignation générale... Après avoir ainsi à son point de vue exposé aux évêques les événemens accomplis, l’empereur, qui ne touchait pas un mot de l’enlèvement du pape de Rome, ni de sa captivité à Savone, qui venait d’acheter à beaux deniers comptans le médecin du pape et d’arracher à celui-ci l’arrangement éphémère qu’il se réservait, suivant ses convenances, de produire à la lumière ou d’ensevelir dans le silence, l’empereur, qui avait déjà dans une occasion précédente accusé publiquement Pie VII de susciter contre lui des Ravaillac et des Damien[1], ne craignait pas de dénoncer au concile par la voix de M. Bigot ce qu’il appelait les sinistres projets de son malheureux prisonnier, en se hâtant toutefois de dire que ces sinistres projets « avaient été rendus nuls par la fermeté des chapitres à maintenir leur droit et par le bon esprit des populations, habituées à ne respecter que les autorités légitimes[2]. »

Cette vive apostrophe fut comme à l’ordinaire suivie par une déclaration péremptoire des volontés de l’empereur, volontés signifiées avec apparat aux membres du concile afin qu’ils se gardassent bien de n’y pas conformer scrupuleusement leurs prochaines décisions. « Sa majesté leur faisait donc savoir qu’elle ne souffrirait jamais qu’en France, comme en Allemagne, la cour de Rome exerçât à la vacance des sièges aucune influence par des vicaires apostoliques, parce que, suivant l’impérial théologien, la religion chrétienne étant nécessaire aux fidèles et à l’état, son existence serait compromise dans les pays où des vicaires que le gouvernement ne reconnaîtrait pas seraient chargés de la direction des fidèles... La religion catholique ne serait plus en effet uniforme et dès lors universelle, s’il dépendait des papes d’en interrompre et d’en intervertir le régime essentiel. Tout ce que les Anglais et d’autres peuples ont dit de l’incompatibilité de la religion catholique avec l’indépendance des gouvernemens lui serait alors justement appliqué. L’empereur entendait d’ailleurs protéger la religion de ses pères et la conserver, et cependant ce ne serait plus la même religion, si elle n’avait plus d’évêques, et si un seul prétendait se substituer au pouvoir de tous. Sa majesté voulait donc, comme empereur et roi, comme protecteur de l’église, comme père de ses peuples, que les évêques fussent institués suivant les formes antérieures au concordat, sans que jamais un siège pût vaquer au-delà de trois mois, temps plus que suffisant pour un remplacement... Sa majesté n’entendait pas que les ennemis de son gouvernement voulussent

  1. Discours de l’empereur au chapitre de Notre-Dame de Paris.
  2. Discours de M. Bigot de Préameneu au concile national de 1811, inséré dans la Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 256.