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visage de tous ceux qui n’avaient pas été mis dans le secret quand à l’ouverture de la séance du 20 juin ils virent entrer en costume officiel dans la salle de l’archevêché où siégeait le concile les deux ministres des cultes de France et d’Italie. A peine ces deux personnages avaient-ils pris place à droite et à gauche du président que M. Bigot de Préameneu tira de son portefeuille un décret de l’empereur dont il donna lecture, et qui portait : 1° qu’il agréait le cardinal Fesch pour président, 2° qu’il serait formé un bureau chargé de la police de l’assemblée, et dont les ministres des cultes pour la France et l’Italie feraient nécessairement partie. Cette dernière disposition et les mots malencontreux de police de l’assemblée avaient encore ajouté à l’émotion produite par la présence inattendue des deux ministres. « Dans les premiers siècles, les empereurs chrétiens, remarque judicieusement à cette occasion le savant M. Jauffret, avaient bien coutume d’envoyer aux conciles un ou plusieurs commissaires pour y maintenir la tranquillité et y faire régner le bon ordre; mais depuis longtemps ce soin avait été laissé uniquement à ceux qui les présidaient. Il était donc évident qu’en faisant revivre un tel usage le chef du gouvernement avait moins en vue de protéger les délibérations du concile que d’influer sur ses décisions[1]. » Aucun des prélats ne s’y trompa; aussi quand le cardinal Fesch, d’accord avec son neveu, proposa de garder, pour former le bureau voulu par le décret, les évêques qu’il avait précédemment chargés de ce soin, il y eut quelque agitation dans l’assemblée. M. de Broglie ayant insisté pour que les membres du concile procédassent eux-mêmes à cette élection, sa proposition fut presque unanimement adoptée, et les choix, quoique n’ayant rien d’exclusif, ne tombèrent pas tous, il s’en fallut de beaucoup, sur les prélats les plus agréables à la cour[2]. Ces divers scrutins avaient pris quelque temps. Il était quatre heures lorsque le ministre des cultes de France prit enfin la parole pour lire le message impérial. La plupart des auteurs ecclésiastiques ont voulu donner à entendre que cette harangue avait été l’œuvre personnelle de M. Bigot de Préameneu, car c’est leur préoccupation constante de décharger la mémoire de Napoléon de la responsabilité de tous les actes qu’ils ré-

  1. Mémoires historiques sur les affaires ecclésiastiques de France pendant les premières années du dix-neuvième siècle, par M. Jauffret, t. II, p. 538.
  2. Ce mot de bureau chargé de la police de l’assemblée avait tellement déplu aux membres du concile, que, sur la proposition de M. de Barral lui-même, et en vertu d’un vote unanime, cette commission fut nommée de l’administration intérieure. Le président et tous les membres du concile ne lui donnèrent jamais que ce titre; mais de son côté l’empereur ne voulut pas non plus céder, même sur un détail aussi insignifiant, et dans tous les documens officiels émanés du gouvernement le bureau de l’assemblée continua d’être désigné par une appellation qui avait si fort répugné à tous les prélats de l’empire.