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nais, disait-il, la sainte église catholique, apostolique et romaine, mère et maîtresse de toutes les autres églises; je promets et je jure au pontife romain, successeur de saint Pierre, prince des apôtres et vicaire de Jésus-Christ sur la terre, une véritable obéissance. »

Ainsi dès le début du concile le propre oncle de l’empereur venait lui-même, par un acte réfléchi et solennel, se lier irrévocablement envers Pie VII, comme l’avait fait avant lui dans l’ardeur de son zèle l’impétueux archevêque de Bordeaux. Ce n’est pas tout. Après avoir prononcé son serment d’obéissance filiale au saint-père, le cardinal Fesch invita les cardinaux, les archevêques et évêques appelés au concile à venir un à un répéter entre ses mains la profession de foi dont il avait donné l’exemple, «S’il arrivait aux prélats, raconte son biographe, l’abbé Lyonnet, aujourd’hui archevêque d’Albi, de ne pas lire assez distinctement la formule prescrite, son éminence les engageait sans ménagemens à reprendre leur symbole. On remarqua surtout, ajoute le pieux écrivain, que sa délicatesse devenait plus grande quand arrivait le tour des anciens constitutionnels ou de ceux dont l’orthodoxie était suspecte[1]. »

A coup sûr, c’était là une suite de manifestations significatives auxquelles l’empereur ne s’attendait guère. Non-seulement elles blessaient son orgueil, mais elles dérangeaient tous ses plans. Comment pourrait-il désormais, si le récit en parvenait jusqu’au saint-père, lui faire incessamment répéter par M. de Chabrol que l’église de France était, sur la question des bulles, entièrement d’accord avec le gouvernement impérial et prête à rompre avec le saint-siège? — Quelle force de résistance Pie VII ne puiserait-il pas dans ces protestations d’inaltérable fidélité qui sortaient comme d’elles-mêmes de la bouche des prélats sur lesquels l’empereur s’était cru jusqu’alors le plus en droit de compter! A tout prix, il fallait empêcher que le bruit de ces scènes scandaleuses ne se répandît au dehors. De là l’ordre donné au Moniteur et aux journaux du temps de garder le silence sur le discours de l’évêque de Troyes et de ne point parler de la prestation du serment d’obéissance au saint-père qui avait inauguré la première session d’un concile solennellement convoqué pour lui ravir au contraire l’une de ses plus importantes prérogatives. L’empereur adopta ce parti, quoiqu’il comprît parfaitement combien il était singulier, de la part de la feuille officielle de l’empire, de ne rien dire de l’ouverture du concile, et de ne pas mentionner, si brièvement que ce fût, les incidens survenus à Notre-Dame devant tant de témoins, incidens qui défrayaient les conversations de tous les salons et de toutes les sacristies de Paris. Son irritation était extrême. Elle se manifesta d’abord par un

  1. Le Cardinal Fesch, archevêque de Lyon, primat des Gaules, par l’abbé Lyonnet, t. II, p. 329.