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été trop souvent mêlées et sacrifiées aux intérêts d’un état du troisième ordre. Si la moitié de l’Europe s’est séparée de l’église de Rome, on peut l’attribuer spécialement à la contradiction qui n’a cessé d’exister entre les vérités et les principes de la religion, qui sont pour tout l’univers, et des prétentions et des intérêts qui ne regardent qu’un très petit coin de l’Italie. J’ai mis fin à ce scandale pour toujours. J’ai réuni Rome à l’empire. J’ai accordé des palais aux papes à Rome et à Paris. S’ils ont à cœur les intérêts de la religion, ils voudront séjourner souvent au centre des affaires de la chrétienté. C’est ainsi que saint Pierre préféra Rome au séjour même de la terre-sainte[1]. » Ces altières paroles, qui montraient l’empereur plus que jamais obstiné à la poursuite de ses projets de domination spirituelle, ne pouvaient manquer d’avoir un pénible retentissement auprès des membres du concile, et dès le lendemain le contre-coup s’en fit sentir.

Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, la première réunion des prélats convoquée à Notre-Dame était une réunion tout officielle, de pure forme pour ainsi dire, mais publique. Il ne devait s’y produire aucune discussion; à plus forte raison aucune décision ne pouvait-elle en émaner. Toutefois, dans cette occasion comme toujours, on s’aperçut bien qu’une assemblée, quelle qu’elle soit, fût-elle composée d’ecclésiastiques les moins expérimentés, les plus timides, et n’importe dans quel lieu, fût-ce en pleine cathédrale pendant la célébration des offices divins, sait trouver les moyens, quand la publicité ne lui fait pas défaut, de révéler au dehors les sentimens dont elle est agitée. Napoléon avait du haut de son trône affirmé devant l’Europe et la France, dans un style qui sentait son empereur byzantin, la prédominance du pouvoir civil sur le pouvoir spirituel. Eh bien! l’Europe et la France entendraient aussi affirmer du haut des marches de l’autel les droits du pape à l’obéissance de tous les membres de son église. Quels furent les promoteurs de cette résolution hardie? Il serait difficile de le dire aujourd’hui, et peut-être n’y eut-il en effet personne qui ait pu alors en revendiquer particulièrement l’initiative. C’est le propre des assemblées qu’il y règne par esprit de corps une sorte de courage collectif bien supérieur au courage individuel de chacun des membres, et souvent on les voit se lancer tous ensemble dans des aventures devant lesquelles, laissé à lui-même, le plus résolu d’entre eux aurait probablement reculé.

La manifestation religieuse si peu préméditée, et peut-être faudrait-il ajouter à peu près involontaire, que les évêques opposèrent

  1. Moniteur du 17 juin 1811.