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tique impériale; c’est pourquoi le Moniteur avait eu l’ordre de se renfermer dans un silence absolu.

Pour s’expliquer l’échec éprouvé par l’empereur et le dépit qu’il en ressentit, il faut se reporter en imagination à l’époque dont nous cherchons à reproduire la véritable physionomie, et se rappeler l’état d’ambitieuse attente où les esprits étaient continuellement tenus sous le premier empire par un chef qui avait pris systématiquement l’habitude de préparer chaque année pour ses sujets émerveillés les plus beaux coups de théâtre. On savait un peu vaguement à Paris, mais enfin on savait que trois évêques des plus distingués avaient été mystérieusement envoyés à Savone auprès du saint-père. Tout le monde espérait donc qu’ils avaient réussi dans leur mission, et pour leur compte les catholiques les plus dévoués à l’empire ne se permettaient pas d’en douter. Loin d’en être ébranlée, leur confiance avait encore redoublé quand ils avaient vu l’ouverture du concile retardée de quelques jours afin de coïncider à un jour près avec celle de la session législative. Nulle incertitude n’était plus possible. Il devenait manifeste aux yeux de ses admirateurs passionnés que le grand conquérant qui venait de donner la paix politique au continent par son mariage avec une archiduchesse autrichienne se proposait de rendre aussi la paix aux consciences par un heureux accord avec le souverain pontife. Quoi de plus naturel, si, comme cela était son droit évident et sa juste récompense, il s’était réservé la joie légitime d’annoncer en même temps une si bonne nouvelle aux représentans de la nation et à ceux de l’église? Telle était la confiance générale. Il faut s’en figurer la surprenante ingénuité pour comprendre combien la déception fut amère, quand d’une voix rude et saccadée l’empereur se mit à parler dans son discours officiel de l’état présent des affaires religieuses. Pour la première fois il faisait part au corps législatif du parti qu’il avait pris de confisquer les états du saint-siège et de les réunir à son empire. De l’arrestation de Pie VII à Rome, de sa captivité à Savone, pas un mot. Apparemment ceux auxquels il s’adressait n’en devaient rien savoir. Du concile, pas davantage. Cela ne les regardait pas. Cependant il était bien difficile de ne pas prononcer le nom du pape; mais alors comment s’exprimer sur son compte? D’après les propres termes de M. de Barral, que nos lecteurs n’ont peut-être pas entièrement oubliés, jamais le saint-père n’avait parlé du passé qu’avec modération et de l’empereur lui-même qu’avec affection. Voici en revanche dans quel langage hautain Napoléon n’hésita point à s’exprimer sur les questions pendantes et sur le malheureux pape réduit, dans sa captivité, à l’état déplorable que signalaient en ce moment les dépêches du préfet de Montenotte. « Les affaires de la religion, disait Napoléon, ont