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extermineraient-ils jamais la race ? On a fait là-dessus des calculs qui, par l’exactitude des données, remettent en mémoire. Le cas de Chicaneau :

Ordonna qu’il sera fait rapport à la cour
Du foin que peut manger une poule en un jour.


L’hirondelle ne vit guère que de moucherons, et pourtant il existe encore assez de moucherons par le monde. Que l’on réfléchisse aux énormes proportions dans lesquelles se multiplient les insectes ; prétendre que les oiseaux détruiraient individu par individu cette multitude, ce serait vouloir tarir la mer en y prenant l’eau goutte à goutte. En fait d’échenillage et de hannetonnage, il existe heureusement des procédés plus sûrs, et nous ajouterons moins onéreux. Si nous voulions dresser statistique contre statistique, nous rappellerions que cinquante couples de moineaux consomment par an sept hectolitres de blé, de quoi nourrir deux personnes. Nous nous contenterons de dire que les oiseaux qui pullulent dans le nord de l’Afrique y ont à peu près tout détruit, hormis les sauterelles.

On devine aisément que M. Sclafer n’est point un partisan de la loi sur la chasse ; il en est au contraire l’un des adversaires déclarés. Parmi les raisons qu’il donne, il en est d’un peu singulières. Le paysan s’ennuie, dit-il, parce qu’on le prive du seul plaisir qui soit à sa portée, du seul délassement d’une vie laborieuse, et l’auteur n’est pas loin d’attribuer à cet état de choses la dépopulation des campagnes. C’est beaucoup dire. A nos yeux, l’argument le plus fort contre la législation sur la chasse, c’est qu’elle ne peut offrir une seule bonne raison en sa faveur. Aujourd’hui que ces questions doivent être de nouveau, discutées, il y aurait lieu d’y réfléchir, et peut-être reviendrait-on au principe que M. Vivien et plus récemment M. Clavé ont posé dans la Revue même : il n’est pas besoin pour la chasse d’autre législation que celle qui régit la propriété ; chacun doit être libre de chasser en tout temps chez soi et par tous les moyens qu’il lui plaît d’employer. Qu’on n’allègue pas l’intérêt de la conservation du gibier ; ce prétendu intérêt nous touche peu en présence des maux qu’il entraîne, et nous venons de voir d’ailleurs que, si le gibier disparaît, cela tient à des causes qu’aucune législation ne saurait prévenir bien plus qu’à l’emploi de tel engin sévèrement prohibé. Laissez donc le cultivateur défendre sa terre à sa façon. Quant aux oiseaux, il serait bien désirable qu’on mît un terme à cette manie de protéger, sous prétexte qu’elle rend des services, la gent rapace qui pille les récoltes aux yeux du paysan désarmé. Les hommes de bon sens trouvent que celui qui a semé un champ ou un jardin est le meilleur


EUG. LIEBERT.

L. BULOZ.