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ment de grandes choses, mais qu’il en a fait aussi d’inutiles, en payant les unes et les autres très cher, qu’il a développé la prospérité de la ville, mais qu’il a grevé aussi pour longtemps les ressources municipales, qu’il a engagé l’avenir sans savoir ce que sera cet avenir, et que la cause de tout cela, c’est l’absence de contrôle. Or ce contrôle devenu nécessaire, où le placer ? Le plus simple serait sans doute de rendre à Paris une organisation municipale régulière par l’élection. C’est justement ce qu’on ne veut pas sous l’influence de souvenirs et de considérations qui n’ont pas une égale valeur. On ne veut pas d’un Paris municipal ayant sous la main le gouvernement de la France. C’est alors que par un expédient nouveau on a imaginé de faire passer dans le domaine du corps législatif l’examen du budget extraordinaire de la ville de Paris en y joignant le budget de la ville de Lyon, qui est placée sous le même régime des commissions administratives, et qui sans cela resterait, comme on l’a dit, une exception dans l’exception.

Sera-ce un remède décisif ? Puisqu’on ne veut pas replacer Paris dans les conditions d’un vrai régime municipal appuyé sur l’élection, l’intervention du corps législatif est indubitablement une amélioration, si ce contrôle supérieur est réellement organisé d’une façon efficace. C’est pourtant, on en conviendra, une combinaison singulière que celle qui place un préfet directement en face du corps législatif, et il serait plus étrange encore qu’un ensemble de faits qui a conduit à cette sorte de mise en tutelle de M. le préfet de la Seine eût pour dernier résultat de lui préparer une élévation nouvelle. On a parlé en effet, pour M. Haussmann, de la résurrection d’un ministère de Paris qui existait ni plus ni moins sous l’ancien régime. Ce serait probablement une très embarrassante complication, quoique nous ne méconnaissions pas la différence entre ce que pourrait être aujourd’hui un ministère de Paris et ce qu’il était autrefois. Dans tous les cas, c’est par une loi de l’époque consulaire que l’organisation préfectorale a été créée, c’est par une loi seulement qu’elle pourrait être réformée, et on y regardera à deux fois. Sans dépasser les termes de la proposition qui est en ce moment devant le corps législatif, la difficulté est déjà bien assez grande. Qu’on y prenne garde, c’est mettre en présence Paris et la province, représentée par le corps législatif, ce qui peut devenir une source d’épineux antagonismes. Et de plus que sera le contrôle supérieur d’un parlement qui pourra s’exercer sur le budget extraordinaire, et devra s’arrêter aux limites du budget ordinaire ? Qu’est-ce que l’ordinaire et qu’est-ce que l’extraordinaire ? Quoi de plus facile pour un homme comme M. Haussmann que d’échapper par ces distinctions à tout contrôle efficace ? Si le contrôle n’est pas sévèrement et soigneusement organisé, il se pourrait en vérité que cet expédient imaginé dans un moment de crise ne fût pour un administrateur entreprenant qu’un moyen nouveau de donner carrière à son ac-