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chaires, M. Fazy dut s’adresser à l’étranger, qui lui envoya, entre autres auxiliaires, un savant plein de verve et de vie, M. Charles Vogt. Ces nouveaux professeurs apportèrent à Genève des idées nouvelles qui furent assez mal accueillies au début ; la plupart des étudians étaient conservateurs, d’abord parce que l’opposition, même contre les radicaux, a toujours été la politique de la jeunesse, puis parce qu’à Genève la tyrannie de la rue répugnait à ceux qui aspiraient à s’élever par la science et par le talent. En 1850, dans les réunions de leurs sociétés de zofingue et de belles-lettres, soirées studieuses où avant boire ils s’exerçaient à écrire et à parler, les élèves de l’académie attaquaient volontiers le nouveau régime. Aussi firent-ils du bruit aux premières leçons des professeurs qui venaient arborer devant eux les doctrines les plus hardies, et qui de plus, crime autrement haïssable, étaient les créatures de M. Fazy, mais, les professeurs tenant bon, les oreilles s’accoutumèrent aux franchises de la science moderne. Il en résulta un rajeunissement curieux dans le monde des naturalistes.

Les hommes de science que possède encore Genève ne sont pas inconnus du grand public. M. de La Rive, le savant électricien, est l’un des huit associés étrangers de l’Académie des Sciences de Paris. MM. de Marignac, Plantamour, Pictet de La Rive et A. de Candolle, membres correspondans de la même académie, comptent dans la science. Le Traité de paléontologie de M. Pictet de La Rive est une œuvre considérable et classique ! M. Alphonse de Candolle, né statisticien et philosophe, tout en achevant le monument commencé par son père, ce Prodromus qui doit embrasser l’ensemble du règne végétal, a écrit une Géographie botanique où, non content d’étudier et de grouper les faits, il s’est avant tout préoccupé des causes ; il a été à certains égards le précurseur de Darwin. M. D. Colladon est un inventeur de grand mérite : outre des expériences intéressantes sur la propagation du son dans l’eau, sur la compressibilité des liquides, on lui doit la première idée de la machine qui sert à perforer le Mont-Cenis. M. Alphonse Favre, auteur de la Carte géologique et de la Géologie de la Savoie, a joué un rôle important dans les batailles scientifiques auxquelles les désordres et les renversemens de certains terrains alpestres ont donné lieu depuis vingt ans. Enfui le plus jeune de ces savans, M. Edouard Claparède, esprit net, hardi, rigoureux, est peut-être l’homme d’Europe qui connaît le mieux le monde infini des animaux de la mer. Plusieurs de ces naturalistes sont des généralisateurs préoccupés de tous les grands problèmes. On ne reprochera donc plus aux Genevois d’être de simples observateurs modestement tournés vers les petits faits et les menus détails. Il est vrai qu’autrefois leur