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dernier, au congrès de la paix, quand une fraction de catholiques crut devoir protester contre le discours anti-papiste de Garibaldi, il y eut une contre-protestation de catholiques également qui trouvaient ce discours très convenable. Quand plus récemment les frères de la doctrine chrétienne voulurent ouvrir une école à Carouge, ce ne furent pas les hérétiques, ce furent les catholiques de l’endroit qui, par une démonstration tumultueuse, empêchèrent cette installation. Dernièrement encore, dans la discussion du grand-conseil sur l’évêché de Genève et l’épiscopat de M. Mermillod, ce fut un député catholique qui s’opposa le plus vivement, par les plus fortes raisons, aux prétentions de Rome. De réduction en réduction, nous arrivons à des chiffres minimes ; le diocèse d’Hébron ne réunit plus qu’un très petit nombre de croyans. Ces croyans, l’autre jour, ont voulu se compter ; ils se sont présentés avec un programme et une liste de candidats pour le grand-conseil aux élections du 15 novembre 1868. Il était déjà imprudent d’introduire les questions confessionnelles dans les débats politiques ; mais l’imprudence fut aggravée par la publication d’un factum impertinent qui était une sorte de cri de guerre jeté contre Genève au lendemain de la loi sur l’hospice général. Il en résulta des scènes déplorables dans le collège de la rive gauche, où triomphent d’ordinaire les radicaux. Les ultramontains, brusquement accueillis, furent chassés de la salle des élections, leurs tables renversées, leurs listes déchirées ; quelques-uns d’entre eux reçurent d’assez mauvais coups. Ce fut une bataille d’un nouveau genre, non plus entre indépendans et radicaux, mais entre catholiques et catholiques, entre ceux qui votaient « pour la cure » et ceux qui ne voulaient pas des ignorantins. Ces tumultes n’ont réussi qu’à fortifier le parti indépendant, qui a fait passer quelques-uns de ses candidats au collège de la rive gauche. Quant à l’évêché d’Hébron, cette maladroite équipée a prouvé sa faiblesse ; chez les 42,000 fidèles qu’il se vantait de gouverner dans le canton et parmi les 15,000 électeurs de la république, il n’a pu trouver que 1,200 partisans. La cause de l’ultramontanisme est perdue.


II

Nous quittons l’église et nous entrons à l’école, où va nous conduire un guide instruit et curieux, M. le professeur Amiel. Il nous rappelle d’abord les services rendus par le protestantisme aux saines et fortes études. Calvin ouvrit des classes de filles et de garçons, fonda le collège, où dès lors on vit des enfans de tous les quartiers réunis sur les mêmes bancs ; les fils d’ouvriers lisaient en latin les harangues de Cicéron, et l’atelier n’y perdait rien