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déterminé de générations finit par donner d’une manière plus ou moins complète le résultat cherché. « Telle est, ajoute M. Naudin, la marche suivie par la nature. Comme nous, elle a voulu former des races pour les approprier à ses besoins, et avec un nombre relativement petit de types primordiaux elle a fait naître successivement et à des époques diverses toutes les espèces végétales et animales qui peuplent le globe. »

Ainsi M. Naudin met en regard et assimile entièrement la sélection opérée par l’homme, la sélection artificielle, et la sélection opérée par la nature, la sélection naturelle. Il admet de plus que dans la voie des transformations la nature a dû aller bien plus loin que nous, d’abord à cause de sa puissance illimitée et du temps immense dont elle a disposé, puis à raison des conditions mêmes dans lesquelles elle agissait au début. Elle a pris les types primitifs à l’état naissant, alors que l’être encore jeune possédait toute sa plasticité, et que les formes n’étaient que faiblement enchaînées par la force de l’hérédité. Nous avons au contraire « à lutter contre cette force enracinée et accrue d’âge en âge dans les espèces vivantes par toutes les générations qui nous séparent de leur origine. » Nous la dominons toutefois dans certaines limites, grâce à des moyens tombés aujourd’hui dans la pratique journalière. Quels sont ceux que la nature a mis en œuvre ? Ici une indication générale et vague ne suffit pas. Faut-il admettre une nature intelligente, agissant en vue d’un but déterminé et mettant en œuvre une sélection raisonnée comme le font nos éleveurs ? Ou bien la sélection naturelle n’est-elle pas plutôt le résultat nécessaire de faits antérieurs ? M. Naudin ne nous dit rien à ce sujet. Pour obtenir une réponse, il nous faut adresser ces questions au naturaliste éminent, au penseur remarquable, dont le nom résume aujourd’hui pour l’univers entier tout l’ordre d’idées dont j’ai essayé d’indiquer le développement progressif.


A. de Quatrefages.