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Quelque insensibles et gradués que soient les changemens, encore faut-il qu’ils soient déterminés par une cause et produits par certains procédés ; La seconde loi de Lamarck répond à ces deux questions. « La production d’un nouvel organe dans un coups animal, dit cette loi, résulte d’un nouveau besoin qui continue à se faire sentir et d’un nouveau mouvement que ce besoin fait naître et entretient. » Ici Lamarck se rapproche de Telliamed autant que le permettent les différences fondamentales des deux doctrines. Les besoins dont il parle ressemblent beaucoup à la nécessité invoquée par le philosophe indien pour motiver la transmutation d’un poisson volant en oiseau. Seulement le naturaliste français fait toujours intervenir le temps et un nombre indéterminé, mais fort considérable, de générations. Il parle aussi très souvent de l’influence exercée par les circonstances, par le milieu, et l’on pourrait croire qu’il attribue au monde extérieur le pouvoir de modifier directement la forme et l’organisation des êtres. Lamarck se rapprocherait par là de Buffon mais il prend soin de prémunir lui-même le lecteur contre une assimilation poussée trop loin. Si les conditions d’existence agissent sur les êtres vivans, c’est seulement parce que d’elles dépendent des besoins, et que la nécessité de satisfaire à ces besoins entraîne des habitudes.

Déjà nous avons vu de Maillet exprimer à peu près la même pensée ; mais Lamarck l’a développée ou mieux l’a modifiée de manière à se l’approprier. Pour lui, l’habitude est le procédé général mis en œuvre par la nature pour transformer les animaux, et il résume ses vues à cet égard dans cette dernière loi, que « le développement et la force d’action des organes sont constamment en raison de l’emploi de ces organes. » De cette proposition essentiellement physiologique, il résulte que l’exercice doit fortifier les appareils de l’organisme, tandis que le repos tend nécessairement à en amener l’amoindrissement d’abord, l’annihilation ensuite. Lamarck est ainsi conduit à admettre non-seulement des « transformations progressives, » mais aussi des « transformations régressives » portant au moins sur certains organes. La manière dont il comprend l’origine des mammifères et le partage de cette classe en trois groupes fondamentaux présente une application simple et précise de cette théorie. Les mammifères dérivent directement de reptiles sauriens semblables au crocodile. Ils ont apparu d’abord sous la forme de mammifères amphibies qui possédaient quatre membres, mais peu développés. De ceux-ci, les uns, comme les phoques, contractèrent l’habitude de se nourrir de proie vivante, et, entraînés peu à peu sur terre sans doute par l’ardeur de la chasse, se transformèrent en mammifères onguiculés (carnassiers,