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duit. Or « il est évident, dit-il, qu’elle n’a pu produire et faire exister à la fois tous les animaux,… car elle n’opère rien que graduellement, que peu à peu, et même ses opérations s’exécutent relativement à notre durée individuelle avec une lenteur qui nous les rend insensibles. » Les êtres élémentaires, formés de toutes pièces par l’action des forces physiques et ayant, grâce à elles, reçu la première étincelle de vie, se sont développés et se développent encore journellement ; ce sont eux qui ont donné naissance à tous ceux que renferment le règne animal et le règne végétal ; les espèces les plus élevées descendent de ces proto-organismes par voie de filiation et de dérivation. Telle est l’opinion de Lamarck ; mais rien ne rappelle chez lui les brusques métamorphoses admises par Telliamed. Il leur substitue au contraire des modifications graduelles accomplies durant des périodes dont la longueur échappe à notre observation.

La nature dispose en maîtresse de la matière, de l’espace et du temps pour accomplir cette genèse des êtres ; mais à son tour elle est soumise à des lois. Les principales sont au nombre de quatre, et Lamarck les énonce en les étayant de considérations où se trouvent formulés les principaux points de sa doctrine. La première est que la vie, par ses propres forces, « tend continuellement à accroître le volume de tout corps qui la possède et à étendre les dimensions de ses parties jusqu’à un terme qu’elle amène elle-même. » Ce terme est la mort, suite naturelle de la vie ; mais avant qu’elle ait frappé même le petit corps gélatineux que nous avons vu naître par génération spontanée, celui-ci a été le siège de mouvemens qui l’ont développé, grandi et déjà quelque peu modifié en bien. Ce premier progrès n’est pas seulement individuel ; il n’est que le premier pas fait dans la voie de perfectionnement que vont parcourir les descendans du corpuscule primitif grâce à une autre loi placée par Lamarck au dernier rang, mais qui mérite de prendre place ici. « Tout ce qui a été acquis, dit-il, tracé ou changé dans l’organisation des individus pendant le cours de leur vie est conservé par la génération et transmis aux nouveaux individus qui proviennent de ceux qui ont éprouvé ces changemens. » On comprend toute l’importance de cette loi, en vertu de laquelle les moindres modifications, accumulées de générations en générations, finissent par produire les changemens les plus variés et les plus frappans. Lamarck en a fait ressortir toutes les conséquences essentielles ; j’aurai à les discuter. Je me borne pour le moment à faire remarquer que cette action de l’hérédité n’est pas même indiquée par Telliamed, et qu’elle est en opposition absolue avec les idées fondamentales que Robinet professe sur la nature de la matière et des germes.