« des pierres qui représentent le cœur de l’homme, d’autres qui imitent le cerveau, le crâne, un pied, une main… » Le règne animal, le règne végétal, lui fournissent des faits analogues. À ces essais partiels succèdent des tentatives d’ensemble. Ici Robinet en arrive aux hommes marins, aux hommes à queue. Il passe ensuite en revue les principales populations humaines, et signale comme les plus belles les Italiens, les Grecs, les Turcs, les Circassiens. Là n’est pas toutefois le terme de la perfection. Jusqu’ici les sexes ont été séparés ; mais les essais d’hermaphrodisme déjà tentés chez nous par la nature marquent suffisamment le but qu’elle veut atteindre. Un temps viendra où l’homme réunira les attributs et les beautés diverses de Vénus et d’Apollon. Alors peut-être aura-t-il atteint le plus haut degré de la beauté humaine.
Nous ne nous arrêterons pas à discuter ces fantaisies ; elles suggèrent pourtant quelques réflexions. Sans avoir vu et étudié par lui-même comme de Maillet, Robinet n’en possédait pas moins un savoir assez étendu en histoire naturelle. Il connaissait les écrits des naturalistes du temps, il invoque à l’appui de ses dires un certain nombre de faits bien réels. Comment donc s’est-il égaré au point que nous avons vu ? C’est qu’il s’est laissé entraîner par la métaphysique, et a subordonné l’observation à la théorie. De l’animal au végétal, de celui-ci au minéral, il ne peut, affirme-t-il, y avoir la moindre lacune, le moindre saut. Les deux premiers sont organisés et vivans, donc les derniers doivent l’être également. Pour ne pas être accessible à nos moyens de recherches, l’organisation des fossiles n’en existe pas moins. Il est vrai que « l’analogie est au-delà de nos sens. » Qu’importe ? « C’est outrager la nature que de renfermer la réalité de l’être dans la sphère étroite de nos sens ou de nos instrumens. » En d’autres termes, l’intelligence doit, une fois le principe posé, se passer de l’expérience et de l’observation. Nous sommes, on le voit, bien loin de la méthode scientifique.
Considéré au point de vue qui nous intéresse surtout, Robinet admet l’existence de germes se développant successivement en procédant du simple au composé. Les êtres ainsi réalisés forment une chaîne continue dont l’anneau inférieur est un prototype de la plus grande simplicité possible. L’homme est pour le moment le dernier terme de la série ; mais un être plus parfait, plus complet, peut très bien le détrôner au premier jour. Toutefois cet être humain ne dérivera pas de l’homme actuel, pas plus que les êtres existans ne dérivent de ceux qui les ont précédés. Dans le système de Robinet, tout rapport de ce genre est impossible. Pour lui, il n’existe pas d’espèce, il existe seulement des individus produits d’une manière absolument indépendante au moyen de germes pris directement