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vents et des pluies qui tombèrent sur les premiers rochers. » Les premiers ruisseaux coulèrent, et, à mesure que la mer se retirait, se transformèrent en rivières ou en fleuves. Ceux-ci entraînèrent jusqu’à la mer les matériaux enlevés aux continens récemment émergés et amoncelèrent sur ces plages nouvelles « un limon plus doux » sur lequel les herbes marines vinrent « perdre leur amertume et leur âcreté ; » elles commencèrent ainsi à se terrestriser. La mer continuant à baisser, elles finirent par rester à sec, complétèrent leur métamorphose sous l’empire de ces conditions impérieuses, et se trouvèrent changées en espèces franchement terrestres. L’auteur avoue, il est vrai, que « les naturalistes prétendent que le passage des productions de la mer en celles de la terre n’est pas possible ; mais, ajoute-t-il, puisque toutes les mers produisent une infinité d’herbes différentes, même bonnes à manger, pourquoi ne croirions-nous pas que la semence de ces choses a donné lieu à celles que nous voyons sur la terre et dont nous faisons notre nourriture ? » Il cite deux ou trois exemples à l’appui de sa proposition et conclut en disant : « C’est ainsi, j’en suis persuadé, que la terre se revêtit d’abord d’herbes et de plantes que la mer enfermait dans ses eaux. »

La transformation des animaux marins en animaux fluviatiles ne présente aucune difficulté à l’esprit de Telliamed. Aussi l’indique-t-il comme en passant, et se borne-t-il à faire observer qu’en pénétrant dans les rivières la carpe, la perche, le brochet de mer, ont subi seulement quelques légères modifications dans la forme et le goût. Quand il en arrive aux espèces aériennes, il sent la nécessité de multiplier ses argumens. Il insiste sur l’humidité des couches d’air placées au-dessus de l’eau, surtout dans les régions boréales ; il signale l’existence des êtres analogues qui peuplent le fond de la mer et le sol des continens, les eaux et l’atmosphère ; il montre les oiseaux et les poissons présentant dans leurs mœurs, dans leurs allures, et jusque dans les riches couleurs qui les décorent, des ressemblances qu’il exagère parfois quelque peu. « La transformation d’un ver à soie ou d’une chenille en un papillon, dit-il, serait mille fois plus difficile à croire que celle des poissons en oiseaux, si cette métamorphose ne se faisait chaque jour à nos yeux… La semence de ces mêmes poissons, portée dans des marais, peut aussi avoir donné lieu à une première transmigration de l’espèce du séjour de la mer en celui de la terre. Que cent millions aient péri sans avoir pu en contracter l’habitude, il suffit que deux y soient parvenus pour avoir donné lieu à l’espèce. »

Les poissons volans fournissent à l’auteur un exemple sur lequel il insiste d’une manière toute spéciale. « Entraînés par l’ardeur de