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médiate que de Maillet tirait de l’existence des coquilles pétrifiées. Elle n’admet pas avec lui que la terre doive son relief actuel presque uniquement à la mer, et que l’apparition des continens soit due à l’évaporation ; mais qu’on se reporte à un siècle et demi en arrière, qu’on se rappelle qu’à cette époque la géologie n’était pas même née, et cette erreur paraîtra bien excusable.

Il reste à peupler cette mer d’abord presque universelle, ainsi que les terres qu’elle a laissées à découvert en se retirant peu à peu. Ici encore, de Maillet ne s’écarte pas trop d’abord des idées qui ont été ou qui sont même encore admises dans la science sérieuse. La doctrine de l’emboîtement ou tout au moins de la préexistence des germes a longtemps régné presque sans partage. Réaumur n’en professait pas d’autre, et dans un de ses derniers écrits Cuvier déclarait que « les méditations les plus profondes comme les observations les plus délicates n’aboutissaient qu’au mystère de cette doctrine[1]. » À part l’étrange origine qu’il leur attribue, de Maillet, avec ses semences n’est donc pas trop loin des vrais savans. On peut le suivre encore dans la manière dont il comprend le développement de ces germes. Ils n’éclosent pas tous à la fois, et la provision n’en est pas épuisée. Les espèces animales et végétales n’ont point paru toutes en même temps. À mesure que les mers baisseront, à mesure que naîtront des circonstances favorables, il en surgira de nouvelles. Cette manière de comprendre l’apparition successive des êtres organisés s’accorde assez bien avec les faits, et se rapproche à certains égards des idées émises récemment encore par quelques-uns des hommes les plus autorisés.

Malheureusement Telliamed complique bientôt sa doctrine comme à plaisir, et entre dans l’ordre d’idées, qui lui a valu sa triste réputation. L’existence et la variété, des germes une fois admises, il ne tenait qu’à lui de trouver dans ces semences l’origine directe de toutes les espèces organiques. Au lieu d’adopter cette hypothèse simple et naturellement indiquée, il affirme que les germes primitifs n’engendrent que des espèces marines, et que de celles-ci descendent par voie de transformation toutes les espèces terrestres et aériennes, l’homme compris. Quand il s’agit des plantes, le philosophe indien semble regarder le problème comme facile. « Aussitôt qu’il y eut des terrains, dit Telliamed, il y eut certainement des

    neur d’avoir le premier compris la nature et l’origine des fossiles marins. Sans remonter jusqu’aux philosophes grecs ou au moyen âge et sans sortir de notre pays, personne n’ignore que Bernard Palissy ne s’était pas mépris sur ce point, et que notre potier de terre avait trouvé aux portes mêmes de Paris une partie de ses preuves.

  1. Règne animal, 2e édition, Introduction. On sait qu’aujourd’hui la doctrine de l’épigénèse est généralement adoptée. D’après cette doctrine, les germes des corps organisés ne contiendraient pas tous les élémens de ces corps, et ceux-ci se compléteraient par l’adjonction successive des diverses parties qui les composent.