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centres de ces tourbillons, s’épuisent par leur activité même, tout en enlevant à leurs planètes respectives une certaine quantité de matière et surtout l’eau, qui s’évapore et diminue à la surface de celles-ci ; mais, dit-il, rien ne se perd dans la nature. Ces matériaux ne sont pas dispersés, ils sont seulement repoussés vers les limites du tourbillon, entraînant avec eux des nombres infinis de semences, germes des êtres organisés futurs. Lorsqu’un soleil est entièrement épuisé, il s’éteint et devient un globe opaque ; son tourbillon s’arrête, lui-même et les planètes qu’il avait jusque-là retenues dans sa sphère d’action s’élancent au hasard dans l’espace jusqu’au moment où ils rencontrent quelque autre soleil en pleine activité. Celui-ci les entraîne dans son tourbillon, et ils s’ajoutent aux astres qui déjà tournaient autour de lui. Or, en pénétrant dans ce monde nouveau, ils ont à traverser la zone où sont emmagasinés les eaux, les germes, les matières de toute sorte chassées de la surface des planètes qui les ont précédés. Ils s’en emparent au passage, et arrivent ainsi à leur destination nouvelle entourés d’une couche liquide qui les enveloppe en entier. À partir de ce moment recommence pour ce soleil éteint transformé en planète, pour ces planètes épuisées et momentanément vagabondes, une nouvelle ère d’activité régulière et féconde. Ainsi, grâce aux lois établies par le créateur, les mondes se renouvellent par suite de leur épuisement même, et chaque renaissance a pour point de départ un véritable déluge.

C’est évidemment pour en arriver à cette conclusion que l’auteur a imaginé tout ce qui précède. Il s’agissait pour lui d’expliquer en dehors de toute intervention surnaturelle des faits qu’il avait longuement et bien positivement constatés. À une très grande distance des mers actuelles et jusqu’au sommet de hautes montagnes, il avait vu certaines roches renfermer des corps pétrifiés dont l’origine marine était à ses yeux indiscutable. Pour mettre hors de doute l’existence de ces fossiles, il accumule preuves sur preuves, détails sur détails, et toutes les observations qu’il cite le ramènent à la pensée que le globe a été sous l’eau et façonné en partie par elle. Là est la partie sérieuse du livre, celle qui a motivé les éloges de M. d’Archiac. Quiconque la lira avec attention reconnaîtra combien est peu fondée l’opinion des critiques qui n’ont voulu voir qu’une plaisanterie dans l’ouvrage entier. Là est aussi ce que Voltaire ne voulait pas admettre, ce qu’il a maintes fois repoussé par les hypothèses les plus hasardées. À peine est-il nécessaire de rappeler auquel des deux, de Telliamed ou de son contradicteur, la science moderne a donné raison[1]. Elle n’a pu, il est vrai, accepter la conséquence im-

  1. Il est d’ailleurs bien entendu que je n’attribue pas à l’auteur de Telliamed l’hon-