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introduite en Europe. L’amateur qui s’arrête devant une belle fleur et voudrait la posséder à son tour ne peut pas même, faute de nom, en demander les graines à un horticulteur. Dans les promenades et les squares de Paris, les plantes jouent le rôle de ces arabesques de fleurs et de fruits qui décorent les palais d’Orient. Les Anglais entendent l’horticulture autrement ; ils ne la séparent jamais de la botanique, et même dans leurs promenades publiques des étiquettes nombreuses répondent pour ainsi dire aux questions que le promeneur serait tenté d’adresser à l’arbre innomé qui se dresse devant lui. Si les squares et les promenades de Paris contribuent à l’agrément du public, ils ne profitent donc nullement à son instruction ; ils répandront le goût des plantes, mais ils n’éveilleront pas le désir de les connaître ; l’accessoire l’emporte sur le principal. Les yeux sont charmés, l’intelligence n’est point satisfaite.

En Angleterre, trois jardins seulement dépendent de l’état, ceux de Kew, d’Edimbourg et de Dublin ; mais les universités et certaines villes, Oxford, Cambridge, Glasgow, Londres, Liverpool, ont des jardins entretenus à leurs frais ou par les souscriptions volontaires des habitans. Tel est en particulier le jardin de Glasgow, qui contient onze serres remplies de plantes précieuses parfaitement soignées. Le jardin d’Edimbourg date de 1670 ; mais il a été déplacé en 1820, et il est maintenant situé en dehors de la ville, dont l’œil peut embrasser toute l’étendue du fiant de la grande serre ou des parties culminantes du parc. La superficie totale est de 6 hectares et demi et disposée en promenade. A la première visite, on est frappé du nombre d’arbres relativement délicats qui peuvent prospérer en plein air sous la latitude de 56 degrés : cela tient à ce que les hivers humides et brumeux de l’Ecosse sont moins froids que ceux des contrées orientales de l’Europe, où la sérénité du ciel favorise le rayonnement nocturne de la terre. Ces belles nuits claires si fatales aux végétaux sont rares à Edimbourg, et toute plante qui ne redoute pas l’humidité peut s’y maintenir pendant longtemps. Ainsi on voit avec étonnement en pleine terre le chêne vert et le chêne-liège des départemens méridionaux de la France, le frêne à fleurs, le charme de la Virginie, le platane, le tulipier, le châtaignier, le laurier de Portugal, le cèdre déodora, l’érable à sucre. D’autres plantes que nous sommes habitués à voir se développer librement loin de tout abri, la glycine, l’arbre de Judée, le cerisier, la vigne, le mûrier, le jasmin, le figuier, le groseillier rouge, sont palissés contre un grand mur qui les garantît du froid. Les serres sont nombreuses, et celle des palmiers, bâtie en 1834 et haute de 16 mètres, passait alors pour la plus Belle de l’Angleterre ; mais, les arbres ayant grandi, le parlement accorda libéralement en 1855 la somme de 162,500 fr. pour élever à côté