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indigènes ou exotiques. Le climat s’y prête, la mode s’en est mêlée, c’est une véritable ptérigomanie. Avec les fougères, la serre de Kew renferme les lycopodes et les sélaginelles. Les feuillages les plus délicats, les plus finement découpés et du vert le plus tendre appartiennent à ce groupe. Vivant dans des cavernes plus humides, plus sombres encore que celles habitées par les fougères, la plupart de ces plantes végètent ici sur des rocailles en tuf pénétré d’eau et sont en outre recouvertes chacune d’un vitrage spécial. Dans la même serre, on a réuni les diverses espèces de Nepenthes, plantes originaires du sud de l’Asie et de l’archipel indien. Les feuilles sont en forme d’urnes élégantes fermées par un opercule. Ces urnes atteignent quelquefois une longueur de 45 centimètres sur un diamètre de 5 à 7. Une glande sécrète à l’intérieur un liquide où les insectes se noient souvent en voulant s’y désaltérer. Près des Nepenthes, on voit une plante des marais de Madagascar[1] dont les feuilles, réduites aux nervures, forment un réseau transparent qui rivalise avec les dentelles les plus délicates que l’art puisse créer.

Après avoir séjourné dans ces serres chaudes où souvent la température est trop élevée pour être longtemps supportable, le visiteur éprouve le besoin de respirer le grand air ; les magnifiques pelouses du jardin de Kew et le parc qui les avoisine lui offrent leurs moelleux tapis et leurs frais ombrages. Là aussi sa promenade pourra être instructive ; une foule d’arbres et de plantes exotiques attireront son attention. La vigueur qu’elles montrent en pleine terre sous le ciel de l’Angleterre prouve qu’il serait aisé de les acclimater dans une grande partie de l’Europe continentale. Citons d’abord un végétal étrange, l’araucaria du Chili, moitié houx, moitié sapin. Planté en 1792, il avait atteint 6 mètres de hauteur ; mais il a souffert dans ses branches inférieures pendant l’hiver de 1866 à 1867, par une température de 20 degrés au-dessous de zéro. Cet arbre se plaira dans les contrées froides et brumeuses de l’Europe moyenne, car un pied de 8 mètres de haut parfaitement intact orne le parc de Fingask castle près de Dundee, dans le nord de l’Ecosse. Mentionnons encore un magnifique laurier sassafras, arbre des États-Unis, ainsi qu’un grand nombre de chênes et d’érables du même pays. Entre le jardin d’hiver et le lac de Kew, on a disposé par groupes différentes espèces de tilleuls, de mûriers, de saules, de platanes, de chênes, de peupliers, d’ormes, de hêtres et de conifères. Le rapprochement de ces arbres appartenant au même genre ou à la même famille produit un très bel effet comme paysage, et initie sans peine le spectateur aux affinités naturelles des végétaux

  1. Ouvirandra fenestralis.