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Californie méridionale, sa patrie, à une hauteur de plus de 15 mètres, les Echinocactus, hérissons végétaux, atteignant des dimensions énormes, les Opuntia, dont une espèce qui réussit très bien en Algérie nourrit la cochenille, et dont une autre forme des haies impénétrables autour des champs cultivés[1], les euphorbes cactiformes, fui renferment un suc acre et caractérisent la végétation des rochers et des falaises des îles Canaries, enfin les Agaves, plantes toutes originaires d’Amérique, mais dont l’une[2] est devenue tellement commune en Algérie et dans la portion méditerranéenne de la France qu’elle semble faire partie de la flore indigène. D’autres serres ou orangeries spéciales sont consacrées à la culture des plantes d’une même région, celles de la région froide ou méridionale de l’Australie et de la partie chaude ou septentrionale du même continent, du Cap ou de la Nouvelle-Zélande. Les fougères en arbre de cette dernière contrée occupent une serre à part ; elles sont toutes remarquables par l’élégance de leur port, qui rivalise avec celui des palmiers, et la beauté de leurs grandes feuilles découpées ; quelques-unes atteignent une élévation extraordinaire, le tronc de l’Alsophila exelsa, indépendamment de sa couronne de feuillage, mesure quelquefois 20 mètres de haut.

J’ai réservé pour la fin la serre la plus curieuse peut-être par la rareté des végétaux qu’elle renferme, celle des fougères tropicales ; elle a 47 mètres de long sur 9 mètres de large ; maintenue pendant l’hiver à une température de 18 à 22 degrés, l’air y est toujours chargé d’humidité, et les plantes sont arrosées avec de l’eau tiède, c’est-à-dire à 15 degrés environ, On les élève dans un sol artificiel où la tourbe domine ; il est recouvert de sable feldspathique qui attire l’humidité, et, comme dans la nature ces plantes vivent sous d’épais ombrages, dans des cavernes humides ou des trous de rochers, un vitrage cannelé les garantit contre l’éclat, pourtant bien mitigé, du soleil d’Angleterre. Un habile jardinier, M. Edwards, varie la culture de ces plantes, et en met ainsi en évidence les organes les plus intéressans. Les racines sont-elles curieuses, la plante est cultivée sur un vase renversé revêtu de tourbe qu’elles entourent d’un lacis étroit ; d’autres, suspendues en l’air, revêtent un cylindre de tourbe et sont maintenues par un grillage en fil de fer ; d’autres enfin végètent sur le tronc d’une fougère arborescente. Ces végétaux, de formes tantôt simples, tantôt bizarres, toujours gracieuses, ont excité en Angleterre une véritable passion ; il n’est point de maison où il n’y ait une petite serre, une jardinière et même une simple cage en verre dans laquelle on élève des fougères

  1. Opuntia coccinilifera et ficus indica.
  2. Agave americana.