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conduites d’eau, la marine. Citons encore les nombreuses espèces de figuiers qui produisent le caoutchouc, les bananiers, l’arbre du voyageur, de Madagascar, dont les feuilles conservent à la base une provision d’eau potable, celui qui fournit le bois d’acajou, le Mangifera indica, qui porte le mangoustan, le meilleur fruit des tropiques, et le Jambosa malaccensis, qui n’est pas moins estimé. Après ces végétaux utiles, notons l’Antiaris toxicaria, dont le suc entre dans la composition de l’upas antiar, avec lequel les Malais empoisonnaient leurs flèches.

Non loin de cette grande serre, on a construit récemment un jardin d’hiver dont la cage est encore plus grande et plus haute que la serre des palmiers. Quand il sera terminé, il aura 177 mètres de long et couvrira une surface de 67 ares. Il a déjà 80 mètres de long sur 42 de large et 23 mètres de haut. Des arbres plantés dans des caisses sont toujours gênés dans leur croissance ; ceux du jardin d’hiver, végétant en pleine terre, peuvent prendre tout leur essor sous cette voûte de cristal. On y a réuni les végétaux de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l’Himalaya, de la Chine, du midi de l’Europe et du nord de l’Afrique, qui n’exigent pas une température élevée pendant l’été et ne souffrent pas en hiver tant que le thermomètre ne descend pas au-dessous de zéro. J’y admirai une fougère de la Nouvelle-Zélande, le Cyathea medullaris, dont le tronc de 8 mètres de haut porte un bouquet de feuilles bipennées longues de 3 mètres ; un Araucaria excelsa de 12 mètres d’élévation, et celui du Brésil de 18 mètres, différentes espèces d’Eucalyptus, arbres de l’Australie à croissance rapide cultivés depuis douze ans en pleine terre à Hyères, à Cannes, à Nice et en Algérie ; ils égalent déjà les plus grands arbres indigènes et les dépasseront bientôt. Le bois en est excellent, et la gomme qu’ils exsudent paraît avoir des propriétés fébrifuges. On retrouve encore dans le jardin d’hiver le poivrier d’Amérique[1], arbre au feuillage fin, aux rameaux pendans, qui orne les promenades d’Athènes et de Palerme, ou il résiste aux sécheresses les plus prolongées. Quand tous ces végétaux auront pris le développement dont ils sont susceptibles, on ne pourra nulle part en Europe mieux que dans ce jardin d’hiver apprécier là beauté de cette flore exotique. Les artistes y trouveront des modèles, et ce sera leur faute si dans leurs paysages ils placent encore des arbres sans caractère qu’un botaniste ne saurait reconnaître, ou des végétaux qui ne vivent pas et ne sauraient vivre dans les pays qu’ils ont voulu représenter.

Le jardin de Kew possède encore une orangerie et quatorze serres

  1. Schinus molle.