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était commun dans les canaux de l’ancienne Égypte. Hérodote l’appelle le lis du Nil. Strabon nous apprend que les larges feuilles rondes qu’il porte et dont le long pétiole s’insère au centre du limbe servaient de parasol aux dames égyptiennes lorsqu’elles se promenaient sur les canaux. A peine débarqué en Égypte avec l’armée française, Delile, botaniste de la commission, voit le nelumbo figuré sur tous les monumens, il le retrouve sur les médailles des Ptolémées, se rappelle la phrase de Strabon, mais cherche vainement la magnifique plante qui sous les pharaons ornait les canaux de l’Égypte. De retour en Europe, il la revoit peinte sur un paravent chinois, apprend qu’elle est cultivée dans les provinces méridionales du Céleste-Empire, et qu’elle couvre les marais de la presqu’île indienne. Un botaniste anglais, M. Bentham, lui envoie des graines ; elles germent heureusement. En le cultivant, Delile s’aperçoit que le nelumbo exige pour vivre une eau limpide et libre de ces myriades de végétaux aquatiques, conferves, lentilles d’eau, qui envahissent si souvent les eaux stagnantes. Tant que la civilisation égyptienne se soutint, la plante venue de l’Inde prospéra ; mais dès que l’entretien des canaux fut négligé sous le règne des empereurs romains, puis sous la domination musulmane, le nelumbo, envahi par des herbes parasites, disparut. On n’en retrouvait des traces que sur les monumens pharaoniques. Cependant la tradition se maintint, et les sculpteurs romains représentant le fleuve du Nil figurèrent toujours sur le piédestal la fleur et le fruit du lotus ; mais, ne connaissant plus la plante elle-même, ils lui prêtèrent des feuilles allongées comme celles du roseau au lieu des feuilles arrondies qui le caractérisent. L’air étant toujours humide dans cet aquarium végétal, on y cultive des plantes qui se plaisent dans une atmosphère chargée de vapeur d’eau. Tels sont le liseron à grappes (Batatas paniculata), dont les guirlandes entourent le bassin, le patchouli, qui fournit le parfum du même nom, le Maranla arundinacea, auquel on doit l’arrow-root, le riz, le manguier, qui fournit un fruit estimé, le Jatropha curcas, dont les graines sont purgatives.

Entrons maintenant dans la grande serre chaude ou Palm-Stove, qui fait face à la pièce d’eau : haute de 20 mètres, longue de 110 et large de 45, elle s’élève majestueusement au-dessus des plus grands arbres et défie l’effort des vents les plus violens. Ils n’ébranlent pas même le vitrage, quoiqu’il leur offre une surface de 4,180 mètres carrés. Ces verres sont légèrement teints en vert par une addition d’oxyde de cuivre à la masse transparente, afin d’éteindre les rayons du soleil. Une galerie intérieure élevée de 10 mètres au-dessus du sol permet de contempler les arbres de haut en bas. Huit réservoirs d’eau chaude et des tuyaux d’un développement de 8 kilomètres