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nouveaux orages sur sa compagnie, déjà si mal vue du gouvernement impérial. Pour se tirer d’incertitude, le pieux abbé entra un instant dans son oratoire et sollicita à genoux les lumières dont il avait besoin afin de diriger sa conduite dans une circonstance si critique. Peu de minutes après, il en sortait, calme et résigné, déclarant à MM. Jauffret et de Boulogne qu’ils pouvaient l’emmener avec eux. C’est ainsi que fut conduit aux Tuileries à la dernière minute, avec une répugnance extrême et presque malgré lui, le héros à coup sûr fort involontaire de la scène qui nous reste à raconter.

M. Émery n’arriva point trop tard à la réunion. L’empereur s’était fait attendre pendant deux grandes heures. C’était son habitude de dire que les gens qui avaient longuement attendu étaient plus hébétés. Il parut enfin, environné de ses grands officiers et de cet appareil solennel qui lui était si parfaitement indifférent au camp en temps de guerre, mais dont il aimait à s’entourer dans les circonstances importantes de sa vie civile afin d’en imposer davantage aux gens, et qui là même se trouvait encore si parfaitement inutile, car sa personne seule produisait plus d’effet que toute cette magnificence de parade. Jusqu’en ces derniers temps, on avait répété que l’empereur avait ouvert cette pompeuse séance par une diatribe contre le pape dont les termes violens dépassaient toute vraisemblance. Toutefois ces récits ne semblaient pas mériter une entière confiance. Le doute n’est plus possible aujourd’hui, car les éditeurs de la Correspondance de Napoléon Ier ont bien voulu prendre la peine de nous donner eux-mêmes le résumé authentique des paroles qu’il prononça. En voici les principaux passages :


« ….. Messieurs les cardinaux, archevêques et évêques composant le comité ecclésiastique,….. vous me dites que le clergé de France, imbu de la doctrine sacrée de l’Évangile, s’indignerait de toute entreprise contre l’autorité du souverain.

« Le pape a entrepris contre mon autorité en excommuniant mes ministres, mes armées, presque tout l’empire, et ce pour soutenir des prétentions temporelles; cependant, dans l’état actuel de la religion catholique, où la doctrine de ceux qui ont subordonné les évêques aux volontés et aux intérêts de la cour de Rome a prévalu, quel moyen ai-je pour mettre mon trône à l’abri de pareilles attaques? Y a-t-il un moyen canonique de punir un pape qui prêcherait la révolte et la guerre civile?

« Le pape a entrepris non-seulement contre mon autorité, il a aussi entrepris contre l’autorité et le bien des églises de l’empire, soit en laissant perdre l’église d’Allemagne, soit en refusant d’instituer mes évêques, et depuis en défendant aux chapitres de remettre les pouvoirs de