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plus précieuses dans l’intérieur de la ville. Ses craintes n’étaient pas vaines : sous la direction de l’ingénieur d’Agencourt, la promenade du Peyrou devient une forteresse ; un bastion s’avance dans le jardin, et le sang coule au milieu des parterres dévastés. Le 3 octobre 1622, la ville capitula, et le jardin fut rétabli. Richer de Belleval eut des successeurs peu dignes de lui. C’étaient des directeurs nommés par le bon plaisir et soutenus par la faveur royale ; mais en 1687, Magnol, qui le premier eut l’intuition du groupement des végétaux en familles naturelles, le remit en bon état. Tournefort, Nissole, Garidel, Séguier, Antoine de Jussieu, Cusson, Commerson, Gérard, Auguste Broussonnet, de Candolle, Delile et Dunal ont successivement dirigé le jardin, commencé leurs études ou accompli leurs travaux au milieu des ressources et à l’aide des matériaux que le zèle des directeurs y avait accumulés depuis 1596. Avant d’être suivi à Paris, l’exemple de Montpellier trouva des imitateurs à Giessen en 1605 et à Strasbourg en.1620. Le célèbre botaniste Jungerman, qui avait déjà décidé le landgrave de Hesse à créer le jardin de Giessen, obtint en 1625 du sénat de Nuremberg la fondation de celui d’Altorf ; celui d’Iéna date de 1629.

C’est toujours en vue de la médecine et de la pharmacie que ces jardins furent fondés. L’origine du Jardin des plantes de Paris est plus galante. Les dames de la cour de Henri IV avaient la passion de broder des fleurs au tambour[1] ; mais bientôt elles se lassèrent de reproduire la pâquerette, l’églantine et le bouton-d’or. Les maris et les amans se mirent en quête de fleurs étrangères. Or il y avait à la pointe de la Cité, sur l’emplacement où l’on voit encore la place Dauphine, un enclos appartenant à maître Jean Robin, « apothicaire et simpliste du roy ; » il faisait venir des plantes de Hollande, vendait les fleurs aux dames, mais refusait de donner des bulbes, des caïeux ou des graines : aussi Guy-Patin, le célèbre adversaire de l’émétique, l’avait-il surnommé le « dragon des Hespérides. » Ce jardin n’était pas sans importance, car en 1601 Robin publia un catalogue de 1,300 plantes et le dédia à la faculté de médecine. Henri IV et Louis XIII favorisèrent Robin, dont le fils Vespasien porta, en 1624, à 1,800 le nombre des espèces cultivées dans l’enclos paternel.

Guy de La Brosse, l’un des médecins ordinaires de Louis XIII, conçut la pensée de fonder un jardin des plantes entretenu par l’état ; il invoquait l’exemple de Montpellier. Hérouard, premier médecin de la cour, entra dans ses vues. Le roi se laissa convaincre, et en 1626 des lettres patentes enregistrées au parlement

  1. Lemaout, Jardin des plantes, partie botanique, p. 264.