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gommage, opération délicate qui exige une grande adresse de main. Chaque feuille, ayant été gommée au pinceau, est mise isolément à sécher sur de larges claires-voies où l’air, pouvant circuler de tous côtés, active la dessiccation. Cette opération est la plus lente de toutes, car un bon ouvrier dans sa journée ne peut guère gommer plus de 900 feuilles. Comme ces ateliers ont été aménagés en 1848 dans de vieux locaux, ils sont peu en rapport avec le travail qu’on y accomplit, souvent étroits, coupés par des cloisons maladroites et réunis à l’aide d’escaliers biscornus qui sont de véritables casse-cou.

Lorsque les feuilles gommées sont parfaitement sèches, elles sont envoyées dans une salle où se fait le pointillage à l’aide d’une très ingénieuse machine que dirigent des enfans. Le pointillage a pour but d’entourer chaque timbre d’un perlé de petits trous qui permet de le détacher de la feuille sans le déchirer ; c’est depuis le mois d’août 1862 seulement qu’on a introduit en France cette excellente amélioration, venue d’Angleterre. Les feuilles sont fixées cinq par cinq sur un cadre de fer ; ainsi immobilisées, elles passent sous un large peigne composé d’une série de carrés garnis de poinçons sur chacun des côtés qui correspondent exactement aux côtés du timbre-poste. Le peigne s’élève et s’abaisse automatiquement pendant que le cadre est entraîné par un mouvement mécanique, et en moins d’une minute les cinq feuilles superposées, représentant 750 timbres, sont pointillées avec une régularité irréprochable. Cette opération est la dernière que les timbres-poste aient à subir ; ils sont soumis au contrôleur, qui rebute ceux qu’il trouve défectueux. Ceux-là sont toujours en petit nombre, deux ou trois mille par an tout au plus. Ils sont brûlés, et l’on dresse un procès-verbal de l’incinération. Les timbres droits sont enfermés dans une armoire à triple clef d’où ils ne sortent qu’en présence d’un agent de l’administration des postes, qui signe un récépissé extrait d’un registre à souche. En somme, la fabrication et la comptabilité des timbres-poste offrent autant de garanties que celles des monnaies. La consommation en augmente tous les jours, et si la progression continue dans les mêmes proportions, les ateliers vont bientôt devenir insuffisans. On peut voir le progrès accompli en dix ans. L’atelier de fabrication en a fourni 196,943,700 en 1858 ; en 1867, il en a livré aux postes 489,347,400 qui ont été payés 451,477 francs 92 centimes. Cela est bon signe, et prouve que la population française se décide enfin à apprendre à lire et à écrire.

Quoique le bureau de la garantie appartienne aux constructions mêmes de l’hôtel des monnaies et fasse corps avec elles, l’entrée en est située rue Guénégaud ; un long couloir, beaucoup trop bas de plafond, et dans lequel un homme portant un crochet chargé de grandes pièces d’orfèvrerie ne doit passer qu’avec peine, conduit