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Les questions posées au concile national étaient les suivantes :


« 1° Toute communication entre le pape et les sujets de l’empereur étant interrompue quant à présent, à qui faut-il s’adresser pour obtenir les dispenses qu’accordait le saint-siège? 2° Quand le pape refuse persévéramment d’accorder des bulles aux évêques nommés par l’empereur pour remplir les sièges vacans, quel est le moyen canonique de leur donner l’institution? »


Le but de l’empereur était évident. Il consistait à mettre la commission en présence de résolutions arrêtées et de faits à peu près I accomplis auxquels on la pressait simplement de donner une sorte de consécration spirituelle. « On pourrait difficilement, raconte un écrivain ecclésiastique dont les informations sont toujours exactes, exprimer les sentimens de tristesse qu’éprouvèrent les membres de la commission en entendant la lecture de ces instructions. M. l’abbé Émery surtout sortit de cette séance navré de douleur et tellement agité des plus sombres pressentimens, qu’il crut devoir écrire au cardinal Fesch pour lui faire comprendre l’impossibilité d’entrer dans les vues de l’empereur et la nécessité de l’en avertir au plus tôt. Il ajoutait que les évêques ne pourraient admettre là-dessus aucun tempérament, que, pour le cardinal lui-même, dans sa position personnelle, jamais la fermeté n’avait été plus indispensable, et que c’était l’occasion de résister jusqu’à l’effusion du sang. Cette lettre produisit son effet. Le cardinal se rendit chez l’empereur, et lui représenta que les évêques ne pourraient consentir aux propositions de son ministre des cultes, et qu’il devait s’attendre à faire des martyrs. Un instant Napoléon comprit qu’il y aurait quelque danger à pousser les choses à toute extrémité ; cependant il voulut que la commission donnât son avis sur les questions qui lui avaient été posées[1]. »

L’abbé Émery avait beaucoup trop présumé du courage de ses collègues, et leurs réponses furent telles à peu près que l’empereur pouvait le souhaiter. Les premières phrases de leur rapport témoignaient de cette respectueuse sympathie pour le pape dont aucune réunion d’ecclésiastiques n’aurait pu se dispenser en de semblables circonstances sans s’exposer à la plus fâcheuse déconsidération. Les termes en étaient habilement choisis.


« La franchise et la sainte véracité de notre ministère ne nous permettent pas de déguiser la profonde douleur dont nous avons été pénétrés en apprenant que toute communication entre le pape et les sujets de

  1. Notice de M. Garnier, composée d’après les papiers conservés au séminaire de Saint-Sulpice pour écrire la vie de l’abbé Émery.