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aux échanges indispensables, pourraient rappeler certains faits célèbres, de sorte que la série des pièces de monnaie d’un règne en raconterait les principaux événemens. Toujours la même effigie, toujours le même symbole, cela est bien monotone. Pourquoi ne pas prendre une pièce spéciale, la pièce de 100 francs, par exemple, qu’on a une certaine tendance à conserver, et ne pas en modifier chaque année le revers de façon à y inscrire la représentation commémorative d’un fait glorieux ou seulement important ? On aurait ainsi une médaille ayant droit de circuler comme la monnaie ordinaire, mais qui du moins, débarrassée d’un emblème inutile, rappellerait et fixerait pour toujours une date de nos annales. Franklin voulait qu’au lieu du nom du souverain on gravât sur les espèces un précepte moral facile à retenir et d’une application pratique. Il serait, à notre, avis, digne d’une grande nation, d’émettre ainsi son histoire, et de la répandre à travers le monde comme un exemple, ou tout au moins comme un souvenir.


II

Lorsque le graveur-général a fait les coins et les viroles indispensables à la fabrication, la manutention des métaux commence, et nous la suivrons dans les détails qu’elle comporte, car il est intéressant de voir comment un lingot devient une pièce de monnaie. Les métaux qui doivent être transformés en monnaie sont fournis indifféremment par les particuliers et par l’état. Ce dernier ne jouit d’aucun privilège, d’aucune immunité, et il subit les conditions imposées à tout individu qui apporte des matières précieuses à l’hôtel du quai Conti. Pour être converties en espèces, ces matières doivent d’abord passer au bureau du change[1], qui est situé au rez-de-chaussée, et dont les fenêtres, garnies de fortes-grilles en fer, s’ouvrent sur le quai Conti. L’ameublement en est très simple : une longue table en bois qui, ressemble à un établi, munie de rails arrondis qui facilitent le déplacement des lingots, un comptoir où sont fixées les balances et quelques larges sébiles en cuivre. Le change ne reçoit jamais que des métaux affinés ; on peut y apporter les plus riches pépites, elles seront refusées ? Il n’accepte que le métal portant la marque d’un essayeur assermenté ou des pièces de monnaie, des morceaux d’argenterie, des bijoux frappés d’un poinçon de garantie qui en détermine le titre exact. Un registre imprimé

  1. Cette disposition est absolue ; il est même dit dans l’instruction générale de la commission des monnaies pour l’exécution de l’ordonnance royale du 26 décembre 1827. « Le directeur de la fabrication ne peut, sous aucun prétexte, employer dans les travaux, si ce n’est pour alliage, d’autres matières que celles enregistrées au bureau du change, lesquelles doivent toujours être converties en espèces. »