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qualités jusque-là restées inconnues ! quelle richesse de détails amusans dans les Effrontés ! C’est là qu’on trouvera plus tard les meilleurs traits qui aient été décochés de notre temps contre les financiers sans honneur et les journalistes sans conscience. Pour laisser au théâtre un souvenir durable, il ne manque à Vernouillet et à Charrier que de ne pas céder si souvent la place à je ne sais quel roman d’amour plus honnête que bien placé. Giboyer vivra pour l’édification des bohèmes de la littérature. Que de sources d’intérêt et de comique l’auteur de Maure Guérin a fait jaillir autour d’une vente à réméré ! Que laisse-t-il à regretter, si ce n’est qu’il eût accumulé moins de choses, par exemple que le notaire retors ne mît pas le sucre sous clé comme le père Grandet, et qu’il ne régalât point les auditeurs d’une tirade trop peu plaisante sur l’instruction gratuite et obligatoire ? Dans la Contagion même, que d’idées vraies et fécondes, si elles ne s’étouffaient pas par le désir de se produire toutes ! Nous ne parlons point de cette pensée bien digne d’une grande et belle comédie de mœurs, l’alliance du vice et des jeux de la Bourse, peinture vraie et qui s’est perdue dans le succès incertain de la Contagion.

En retournant au duel de la passion et du mariage avec Paul Forestier, M. Emile Augier est revenu chez lui. L’excursion qu’il a risquée sur les terres de Balzac, de M. Dumas fils et des réalistes a prouvé la facilité de son talent et augmenté le bruit qui se faisait autour de son nom sans créer un genre nouveau qui le reconnût pour maître ; mais en rentrant dans son ancien domaine il ne doit pas oublier les raisons qui l’en ont fait sortir. Son théâtre forme désormais un cercle qu’il a tout entier parcouru. Il en est de même de M. Dumas fils : sur la foi de son propre témoignage comme de ses pièces, nous pouvons affirmer qu’il a terminé sa première évolution. Sa galerie de tableaux paraît close : il n’y reviendra sans doute plus, du moins avec la même manière. Nous assistons à un temps d’arrêt dans l’invention dramatique, et le sentiment d’attente qu’on peut lire dans l’incertitude des auteurs et du. public est plus marqué, plus visible que le mouvement sourd et constant qui chasse insensiblement le présent pour faire place à l’avenir. La comédie des curieux et celle des connaisseurs, les pièces réalistes et les pièces littéraires, ont dit leur dernier mot. Les premières ont trouvé plus de faveur et de ce succès bruyant qui n’a pas de lendemain ; mais la lecture a trahi pour elles les espérances que faisait naître la représentation : elles ont fait plus d’une fois rougir la morale publique, gronder le bon sens et gémir la langue française. Les secondes ont maintenu la tradition, elles ont gardé le souvenir des règles et des modèles. Il est vrai que les auteurs ont de temps