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état de la Nouvelle-Angleterre, excepté le Connecticut, M. Pendleton lui-même vint renouveler sa croisade financière, dénonçant les plans du congrès, réclamant « une seule et même monnaie » pour tout le peuple, irritant les passions de la multitude contre « l’arrogant » capitaliste. Il fut acclamé partout où il se fit entendre. Il fallait pourtant qu’il y eût péril en la demeure pour qu’un personnage aussi considérable que le ministre d’état désigné du cabinet de M. Seymour prît la peine de courir les campagnes, et de monter tous les jours sur le stump comme un politicien de bas étage.

Les déclamations de M. Pendleton étaient de celles qui caressent toujours agréablement les oreilles de la foule, et qui ne peuvent manquer d’être applaudies par elle ; mais au fond la politique de la banqueroute était trop décriée dans les états de l’est pour qu’il fût profitable de faire du bruit autour de cette question. Même dans le parti radical, ceux des membres du congrès qui l’avaient soutenue étaient menacés d’abandon. Dans le Massachusetts, on assurait que le général Butler ne serait pas réélu. Il avait beau dénoncer les républicains qui votaient contre lui comme « pires que Seymour et Blair, Lee et Beauregard, Wade-Hampton et Forrest, Wirz, Mumford Wilkes Booth, et tout le reste de la bande des rebelles, vivans ou morts ; » les modérés répondaient en lui reprochant de soutenir la banqueroute, « cette mesure déshonorante et anti-républicaine, » et, sans la popularité de son nom, ce reproche l’eût perdu.

Les démocrates purent bientôt voir combien ils s’étaient trompés de route. Dans plusieurs états, les élections locales devaient avoir lieu quelques semaines avant la nomination des électeurs présidentiels, et les partis attendaient cette première épreuve comme un jugement définitif. Déjà dans le Vermont les républicains avaient remporté une victoire signalée. Leur majorité, qui était de 20,000 voix l’année dernière, s’élevait cette fois jusqu’à 28,000. Dans le Maine, leur succès ne fut pas moindre ; malgré les efforts de M. Pendleton, ils obtinrent 70,000 suffrages. Les démocrates essayaient de n’y pas attacher d’importance, et de s’en consoler en disant que ces chiffres étaient excellens pour regagner du terrain l’année prochaine. Ils attendaient avec anxiété les élections des trois grands états du centre, la Pensylvanie, l’Indiana et l’Ohio, qui ne devaient avoir lieu qu’au mois d’octobre, et qui, de l’aveu de tout le monde, allaient décider le sort de la guerre.

Ici encore les républicains furent vainqueurs. Leur succès ne fut pas obtenu sans peine, et il vint s’y mêler quelques défaites partielles qui diminuèrent la joie de leur triomphe. A Philadelphie par exemple, la municipalité passa dans les mains des démocrates après une élection tumultueuse où toute sorte de violences furent