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ne puissent pas exhumer leurs ossemens maudits, et, tant qu’ils vivront, faites que leurs enfans se pressenties uns contre les autres et que les femmes défaillent d’horreur et d’épouvante toutes les fois que passera devant eux la goule hideuse et livide qui fut un scallawag. » A Saint-Louis, le juge Moody, déclamant contre les radicaux dans un meeting démocrate, s’écriait un jour : « Mon remède, c’est de tomber sur ces gens-là à coups de pierre. Pendons quelques-uns de ces drôles, brûlons leurs livres, et faisons une bonne vieille élection à la mode d’autrefois. » Les démocrates du sud ne cachaient pas leur dessein d’employer la force.

Ils en parlaient trop pour que le danger fût sérieux. Ils n’avaient garde d’irriter la colère du nord et de le provoquer ouvertement à une guerre nouvelle. Les excès de leur langage ne devaient être regardés que comme le dédommagement de leur faiblesse, et les violences individuelles auxquelles ils se livraient sur certains points ne pouvaient pas être l’effet d’un complot. Ce qui était plus grave que leurs émeutes accidentelles et leurs rixes fréquentes avec les radicaux noirs, c’était l’organisation puissante d’une vaste société secrète qui depuis quelque temps faisait au parti républicain une de ces guerres sourdes et souterraines contre lesquelles il n’est pas de défense. Cette association, connue sous le nom de Ku-klux-klan, s’enveloppait volontiers de mystère. On n’en connaissait pas exactement la force véritable ; mais on savait qu’elle avait des ramifications dans tous les états du sud, et elle se vantait elle-même de pouvoir lever dix armées à la fois. Surtout dans les états frontières, où les passions politiques étaient plus vives, toute la population blanche y était engagée. On disait que le klan comptait 50,000 hommes armés dans le seul état du Tennessee. Dans l’Arkansas, il faisait le désespoir de la milice volontaire réunie pour le combattre. Ses agens, toujours masqués et insaisissables, semblaient sortir de terre et y rentrer sur un signe. Si dans une élection politique les radicaux noirs annonçaient l’intention de monter la garde autour des polls et de les protéger les armes à la main, le klan prévenait leur dessein et empêchait l’élection de se faire. Si le gouverneur de l’Arkansas, effrayé de la puissance du klan, faisait venir 10,000 fusils pour sa milice locale, cent hommes masqués ou barbouillés de suie et armés jusqu’aux dents s’embarquaient sur le quai de Memphis en plein jour, et allaient se saisir sur le Mississipi du bateau qui portait cette marchandise précieuse ; ils rentraient dans la ville sans être inquiétés et sans que personne osât les reconnaître. Des assassinats se commettaient fréquemment sans que jamais on pût saisir les coupables, et la voix publique attribuait ces vengeances mystérieuses au redoutable Ku-Kux-klan. les républicains du nord faisaient, grand bruit de ces crimes, et se plaisaient,