Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/690

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous les intérêts attachés de près ou de loin à l’existence du papier-monnaie. Les banques, par exemple, auraient trouvé tout profit à ce qu’on n’opérât pas de réduction dans la monnaie fiduciaire, à ce qu’on étendît au contraire la circulation de cette monnaie ; la reprise des paiemens en or devait être on ne peut plus onéreuse pour elles, car elle les forçait à rembourser en espèces les billets qu’elles soldaient maintenant en papier. En général, ceux qui avaient des remboursemens à faire tenaient pour l’expansion du papier-monnaie, ceux qui avaient à en recevoir tenaient pour la reprise des paiemens en or. Tel était le sens général de cette grande levée de boucliers contre les finances fédérales ; on pouvait l’appeler de son nom véritable la ligue des débiteurs contre les créanciers.

Les deux partis se trouvaient en présence depuis l’ouverture du congrès. La guerre avait éclaté à l’occasion du rapport et du système de M. Mac-Culloch. L’un des plus gros emprunts contractés pendant la guerre, l’emprunt des 5-20 (remboursable entre cinq et vingt ans), commençait à toucher à son terme, et le moment était venu de pourvoir au remboursement. Or, si les intérêts de cet emprunt étaient expressément payables en or, il y avait une ambiguïté singulière dans le texte de la loi quant au remboursement du capital lui-même, pour lequel l’emploi de la monnaie sonnante n’était pas formellement stipulé. Cette irrégularité provenait sans doute de ce qu’à l’époque où l’émission fut votée, la valeur du papier était encore égale à celle de l’or. L’intention des auteurs de la loi ne pouvait d’ailleurs être douteuse, et équivalait envers les preneurs de l’emprunt à un véritable engagement de bonne foi. Aussi M. Mac-Culloch conseillait-il au congrès le remboursement intégral en or au moyen de l’émission nouvelle d’une dette consolidée ou d’un emprunt à longue échéance dont les conditions seraient plus avantageuses pour le trésor. Il demandait en même temps qu’on lui accordât la faculté de racheter le papier-monnaie en plus grande quantité. Quant à l’établissement d’une taxe nouvelle sur les emprunts futurs à émettre, il admettait avec raison que, si l’exemption d’impôt était légitime et nécessaire en ce qui touchait le gouvernement fédéral, elle, était illégale et contraire au principe fédératif en ce qui touchait les états particuliers, auxquels on ne pouvait contester le droit de taxer toutes les valeurs ; il reconnaissait cependant qu’il était nécessaire de protéger les porteurs de titres contre la rapacité ou la malveillance des gouvernemens des états. Il proposait donc de remplacer les taxes locales par une retenue d’un sixième que le gouvernement fédéral percevrait lui-même pour le distribuer entre les états à proportion du nombre des habitans. Ce compromis honnête et sage ne portait, bien entendu, que sur les emprunts futurs ; le dédommagement accordé aux états