Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/687

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce thème, et qui trouvaient leur profit à exciter sa colère contre « l’arrogance » des créanciers de l’état. Voyant dans cette agitation populaire un puissant instrument d’influence, les démocrates s’étaient mis de tous les côtés à la tête du mouvement. S’ils ne demandaient pas la banqueroute pure et simple, ils réclamaient à grands cris la réduction de la dette au moyen de deux mesures très simples qui mettraient fin à tous les maux. La première consistait à prélevée un impôt sur l’intérêt de la dette, manière commode de le réduire tout en gardant l’apparence de la bonne foi, la seconde à décréter que la dette entière, intérêt et capital, serait désormais payée en papier-monnaie, lors même que les engagemens de l’état prescriraient le paiement en or. Cela s’appelait faire rendre gorge aux oppresseurs et les ramener sous le niveau de l’égalité commune.

C’était M. Pendleton, l’ancien collègue du général Mac-Clellan dans sa candidature malheureuse à la présidence, qui avait pris la direction de cette croisade contre les créanciers du trésor et contre l’honneur des finances nationales. Candidat possible des démocrates aux élections prochaines, il espérait par ce moyen pouvoir soulever une faction puissante et rajeunir les forces de son parti. Dans l’ouest, où il exerçait une grande influence, il trouvait les esprits déjà préparés à le suivre. Aux partisans du libre échange, toujours nombreux dans cette contrée, il promettait l’abaissement des tarifs de douane, et ils accouraient en foule à son appel. Aux populations agricoles et laborieuses, il promettait la vie à bon marché, l’élévation des salaires, la réduction des impôts, la reprise du travail, et cet appât toujours infaillible lui attirait de nombreux partisans. Ces intérêts et ces convoitises trouvaient d’ailleurs un terrain commun dans cette ancienne doctrine des state rights, toujours hostile à l’autorité fédérale, et opposée systématiquement à toutes ses entreprises. La tradition démocratique était l’abri naturel à l’ombre duquel ils devaient s’unir pour arriver ensemble au pouvoir. Tous les démocrates ne consentaient pas à entrer dans cette coalition nouvelle, la plupart hésitaient encore à se faire les avocats de la spoliation ; mais le courant les entraînait en dépit d’eux-mêmes, leur résistance devenait chaque jour plus faible, et ils envisageaient sans beaucoup d’horreur l’abîme de la banqueroute.

De leur part cette conduite était naturelle et n’avait rien qui dût étonner personne. Les démocrates s’étaient toujours montrés les adversaires décidés de la politique financière du congrès ; ils l’avaient toujours dénoncée comme une des plus funestes conséquences et une des plus déplorables applications de la doctrine républicaine. À cette heure même, ils associaient toujours dans leurs attaques la politique de reconstruction des radicaux et les dépenses