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espérer. On estimait que, si les choses continuaient de la sorte, les dépenses de l’année courante dépasseraient les revenus de 100 millions de dollars. Élever les taxes était impossible, elles avaient atteint la limite où elles ruinaient le pays sans être fructueuses pour le trésor. Elles étaient du reste mal réparties, mal assises, d’une collection coûteuse et difficile. La contrebande florissait sur la frontière canadienne ; à l’intérieur même du pays, on commettait d’énormes fraudes qui ruinaient toute industrie régulière, et qui réduisaient le trésor à la pénurie. C’était de ce côté qu’aurait dû se porter l’attention d’un législateur sage ; mais le congrès, tombé sous la domination des manufacturiers de la Nouvelle-Angleterre, n’avait guère su opposer au mal qu’une élévation démesurée des droits de douane, bonne seulement à l’aggraver.

Ce spectacle effrayait et mécontentait ; les sacrifices imposés au pays commençaient à être supportés avec impatience, surtout dans l’ouest et dans le sud, contrées agricoles, peu riches en capitaux, écrasées par les tarifs de douane, et qui, n’étant pas créancières du trésor, ne tenaient guère à ce que la dette fût payée. De tous côtés on parlait de la nécessité d’une réforme financière ; mais quelle devait être cette réforme, et quel remède trouver aux embarras du pays ? Là-dessus on ne s’accordait plus guère. Les uns, oublieux des charges publiques, conseillaient simplement de réduire les impôts, d’autres prétendaient qu’il fallait les augmenter encore et prendre des mesures sévères pour empêcher les fraudes. Les uns accusaient l’excès du système protecteur, les autres, bravant l’évidence, trouvaient encore les droits de douane insuffisans. Ceux-ci accusaient le régime du papier-monnaie, et disaient qu’il fallait racheter au plus tôt ces chiffons sans valeur, ceux-là affirmaient qu’il fallait en émettre encore davantage, et que tout le mal provenait de l’insuffisance des moyens d’échange. Au milieu de cette anarchie d’opinions, M. Mac-Culloch, l’éminent financier auquel était dévolue la direction du trésor, avait conçu un plan modeste et sage, mais peu fait pour contenter les exigences et pour flatter les passions de la foule. Son projet consistait simplement à améliorer le crédit de l’état et à patiemment attendre l’avenir. Il voulait d’abord réformer l’assiette et la perception des impôts, de manière à rendre l’une moins pesante pour le pays et l’autre moins coûteuse pour l’état, racheter ensuite le papier-monnaie pour ramener au plus tôt la base de l’or, indispensable suivant lui à la sécurité des affaires, dût-on même pour cela recourir encore à l’emprunt, enfin consolider la dette ou en prolonger le terme en remboursant les anciens emprunts pour en émettre d’autres moins onéreux à mesure qu’ils viendraient à leur échéance et que se fortifierait le crédit public. Il fallait, disait-il, commencer cette réforme par le rachat des