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cette occasion trouver des guides. Cela n’était ni dans ses habitudes ni dans ses goûts. Il souhaitait des auxiliaires et des aides, au besoin des complices, ce qui est bien différent. Nous ne sommes pas davantage porté à convenir avec l’auteur des Quatre Concordats que, du jour où il consentit à s’éclairer sur quelques détails de l’avis des membres de sa commission ecclésiastique, Napoléon cessa tout à coup d’obéir à sa fougue accoutumée, que tout fut par cela même aussitôt redressé dans sa conduite, remis comme par enchantement dans la ligne de la raison et des vrais intérêts de la religion et de l’état[1]. Ce sont là de pures illusions. Il est vrai d’ailleurs que les conseils dont les pouvoirs sont le plus limités ont encore par eux-mêmes une certaine autorité, et servent forcément de point d’arrêt. Il est non moins certain qu’après s’être donné ce frein à lui-même, ce qui avait été jusque-là sans exemple de sa part, Napoléon fut parfois obligé d’en supporter la contrainte et de modifier quelque peu pour y obéir l’impétuosité naturelle de ses allures. C’est pourquoi, sans en exagérer l’importance, nous croyons bon d’entrer dans quelques détails sur les deux commissions ecclésiastiques, réunies la première à la fin de novembre 1809, la seconde vers le milieu de janvier 1811.

L’origine de la première commission remontait au moment où le débat sur les investitures était devenu des plus vifs entre Napoléon et le saint-père, et quand ce dernier était déjà retenu captif à Savone. Cette commission, présidée par le cardinal Fesch, avait alors été composée du cardinal Maury, de l’archevêque de Tours, des évêques de Verceil, d’Évreux, de Nantes, de Trêves, du père Fontana et de l’abbé Émery. La plupart de ces noms ne sont pas nouveaux pour nos lecteurs, et nous avons eu maintes occasions de leur faire faire particulièrement connaissance avec l’oncle de l’empereur par le récit détaillé que nous avons donné de son orageuse ambassade à Rome. Rien n’était changé en lui depuis son retour en France, et son caractère était toujours resté le même. Relevé par les événemens eux-mêmes du rôle d’agent diplomatique et de représentant de son neveu à la cour papale, le cardinal Fesch avait profité de sa haute position ecclésiastique et des liens de parenté qui l’unissaient étroitement au souverain de la France pour afficher assez librement ses opinions, de longue date assez ultramontaines et devenues, depuis les mauvais traitemens auxquels il avait été en butte de la part de son neveu, de plus en plus favorables à la cause du captif de Savone. Cette singulière attitude avait acquis à Fesch une véritable popularité parmi les membres du clergé, comme dans le beau monde du faubourg Saint-Germain, tandis qu’elle lui avait

  1. M. de Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 227 et p. 457.