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là, messieurs les Hébreux ? — Tous, sans exception, répondent-ils. — Vous sentez-vous disposés à sacrifier la moitié de vos biens sur l’autel de la patrie ? — Impossible, réplique l’un d’eux parlant au nom des autres. Ce serait pour nous la ruine. — Répondez par oui ou par non,… et vous, grenadiers, préparez… armes ! — Herr rathsherr, dit un autre, contentez-vous du quart. — Pas un groschen à rabattre… Y sommes-nous, grenadiers ?… — Non, non, c’est conclu, nous acceptons, s’écrient les Juifs… — À la bonne heure ! Que chacun de vous se rende séparément dans la salle du trône et dépose aux pieds du roi sa contribution. » Et voilà ! le tour est fait. Ravi de ce succès inattendu, le roi me confie la direction de la campagne. J’ai sous mes ordres environ vingt régimens d’infanterie, dix de cavalerie, des canons à proportion. Je marche avec prudence, mes flancs toujours bien protégés. Je me jette à l’improviste sur Hambourg, où je surprends le prince d’Eckmühl. On me l’amène penaud et consterné : « — Dressez la potence ! — Grâce ! grâce ! me dit-il. — Non, pas de grâce ! Vous avez voulu devenir grand-duc de Mecklembourg. Cette ambition mérite la mort… »

— Pour Dieu, ne parlez pas ainsi, interrompit le meunier ; si un de ces soldats vous entendait !

— Ah ! diable, c’est vrai, dit le rathsherr, regardant l’un après l’autre chaque homme de l’escorte ; mais après avoir vérifié que pas un ne faisait la moindre attention à lui : — Vous êtes un vieux poltron, reprit-il, et vous devriez bien savoir que ces gens-ci n’entendent pas le platt-deutsch… Donc je fais pendre haut et court ce Davoust, après quoi je tourne à gauche, du côté du Hanovre, et je tombe sur les derrières du Corse… Vous savez de qui je veux parler… Tomber sur les derrières, tout est là, c’est la quintessence de la stratégie. Bataille à tout casser : quinze mille prisonniers, trente aigles, quatre-vingts canons. Le Corse sollicite une trêve. « — Pas de trêve ; nous ne sommes pas ici pour nous amuser. — Alors traitons de la paix. — Ça, c’est autre chose. Je demande les pays du Rhin, la Westphalie, toute l’Alsace et les trois quarts de la Lorraine. — C’est impossible, ce serait réduire mon frère à la besace… — Non ? eh bien ! continuons le jeu. » Une marche à droite pour tenir en bride la Belgique et la Hollande, mais tout à coup et vivement je tourne à gauche. « — Peste soit de ce maudit rathsherr, je le trouve toujours sur mon dos ! » — C’est l’empereur qui tient ce langage ; mais au même instant le 4e de grenadiers enlève une batterie. Je lance en avant le 5e hussards. Notre homme, suivi de son état-major, s’était aventuré un peu loin. Il est ramassé par ma cavalerie légère. « — Je me rends, dit-il, voici mon épée.. — À la bonne heure, venez avec moi !… Et vous autres, mes enfans,