Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires religieuses, devenues peu à peu si considérables, et qui allaient pendant quelque temps encore fixer d’une façon à peu près exclusive l’attention du chef de l’empire. Nous avons également tâché d’expliquer comment, de plus en plus effrayés de la folie croissante des desseins dont ils avaient reçu la confidence, les membres du comité, ceux-là mêmes que Napoléon nommait en plaisantant « les philosophes de son conseil d’état, » s’étaient, par des motifs de pure sagesse humaine, entendus à l’insu du maître et fort à la dérobée avec les trois principaux dignitaires de l’église catholique, c’est-à-dire avec les adversaires que dans la pensée de Napoléon ils étaient destinés à combattre. Le premier effet de l’heureuse action « des philosophes de son conseil d’état » avait été de faire admettre leur incompétence par l’empereur, et conséquemment la sienne propre, dans une affaire aussi foncièrement religieuse que l’était celle de l’institution canonique à donner aux évêques; mais, si la question des bulles épiscopales ne relevait pas de l’autorité civile, si le droit d’en connaître appartenait exclusivement à l’autorité ecclésiastique dans l’état présent des choses, et par suite de la situation personnelle du pape, il devenait évident qu’un concile pouvait seul être mis en demeure de se prononcer. Cette idée de faire tenir un concile sous son règne, de donner à l’Europe un spectacle qu’elle n’avait pas vu depuis des siècles, était loin de déplaire à Napoléon. Elle flattait à la fois son imagination et son orgueil, car il y entrevoyait pour lui-même ce que l’événement ne justifia guère, un rôle extraordinaire, pareil à ceux qu’avaient joué jadis, aux temps de la primitive église, ces empereurs d’Orient et d’Occident qu’il se plaisait à prendre maintenant pour modèles. De même qu’il avait fait appel aux meilleures têtes politiques de son empire quand il avait songé à régler par voie législative les questions controversées avec le saint-père, de même Napoléon, aujourd’hui qu’il reconnaissait la nécessité de recourir pour les résoudre à l’autorité spirituelle, avait décidé de prendre l’avis préalable des membres les plus haut placés de son clergé de France, a Les embarras dans lesquels il se sentait enfoncer tous les jours davantage donnèrent naissance, comme le dit fort justement l’auteur des Quatre Concordats, à la formation de la première et de la seconde commission ecclésiastique. Ne sachant plus comment avancer, ne voulant pas reculer, Napoléon finit par où il aurait dû commencer, c’est-à-dire par chercher des guides qui le dirigeassent sur cette terre dont il se fatiguait à parcourir les profondeurs vagues et pour lui si complètement inconnues[1]. » Où l’ancien archevêque de Malines se trompe un peu, croyons-nous, c’est quand il suppose que l’empereur désirait en

  1. M. de Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 447-448.