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schkola), où l’on enseignait l’histoire, les mathématiques et les principes du droit. C’étaient surtout des Serbes autrichiens, plus instruits que leurs frères de Serbie, qui, sur l’appel du sénat, étaient venus diriger ce mouvement. L’un d’eux, Jougovitch, qui jouera bientôt un rôle politique à côté de Kara-George, fut le promoteur de la velika schkola, et y fit des cours avec succès. Il suffit de voir dans l’ouvrage de M. Kanitz le développement de la littérature serbe depuis une trentaine d’années pour apprécier les services rendus par ces écoles. Dans ce pays dont les plus illustres chefs au commencement du siècle ne savaient ni lire ni écrire, il y a aujourd’hui des savans, des historiens, des lettrés, qui traduisent pour leurs compatriotes quelques-uns des chefs-d’œuvre de l’antiquité, quelques-unes des meilleures productions de la France et de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la Russie.

L’organisation de la justice fut aussi un des actes les plus importans du sénat. Les kmères des villages devinrent des juges de paix ; dans chaque district, il y eut un tribunal composé d’un président, d’un assesseur et d’un greffier. Le sénat s’était réservé le jugement des appels. On pense bien que dans cette société à peine délivrée de la barbarie ottomane, et qui pendant si longtemps encore devait ressembler à un camp, la loi civile n’existait pas. On jugeait au nom de la coutume et de l’équité. Le code formulé au XIVe siècle par l’empereur Douschan n’avait pas encore été retrouvé par l’érudion du XIXe ; son esprit toutefois s’était perpétué grâce au respect des Slaves pour leurs traditions, c’est au nom de cet esprit que du kmète au sovietnik chaque magistrat prononçait librement ses sentences. La Serbie a des lois aujourd’hui, lois civiles et lois pénales édictées d’abord sous le prince Milosch, développées sous le prince Alexandre Kara-Georgevitch, réformées enfin et complétées sous le prince Michel par des hommes qui occupent en ce moment les rangs les plus élevés de l’état, MM. Ljeschanin, Petronjevitch, Romanovitch ; elle possède aussi une organisation judiciaire complète, des justices de paix, des tribunaux de district, des cours d’appel, enfin une cour de cassation qui ne se confond plus avec le sénat. Ces progrès ne doivent pas faire oublier le système tout primitif institué au milieu des angoisses de la guerre. C’était la lumière après les ténèbres. La veille encore, devant le tribunal du cadi ou du musselim, qui jugeait d’après le Coran au nom du commandeur de la foi, le témoignage d’un chrétien n’était pas admis contre le musulman ; le croyant avait toujours raison, l’infidèle toujours tort. La révolution serbe, en mettant fin à ces iniquités, n’eut pas besoin d’avoir immédiatement un législateur ; grâce aux coutumes d’autrefois si religieusement gardées, grâce à la direction générale du