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phrases, de légères soustractions, et il en est résulté un ensemble assez bon, beaucoup meilleur que ce que nous nous flattions il y a quelques jours d’obtenir[1]. » Cette note ainsi corrigée à la hâte par ses auteurs dans le cabinet pontifical, et dont nous reproduirons plus tard le texte entier, fut, avec son consentement, laissée par les évêques sur la cheminée du saint-père. Le lendemain de grand matin, ils prenaient tous ensemble la route de Paris.

Encore une fois, que s’était-il donc passé à Savone entre le 15 et le 18 mai qui ait suffi à modifier ainsi du jour au lendemain et du tout au tout les premières déterminations de Pie VII ? Il n’y a pas moyen en effet de se faire illusion, la note rédigée dans son cabinet, dont il avait pesé tous les termes et accepté la teneur, bien qu’il n’eût pas voulu la signer, contenait en principe toutes les concessions que le pape avait d’abord repoussées, et celles-là même qu’il avait maintes fois déclarées contraires à sa conscience. Pourquoi n’en pas convenir, et de quel droit, comme tant d’auteurs ecclésiastiques, dissimulerions-nous la vérité ? Il arrivait à Pie VII en 1811, à propos de l’institution des évêques, ce qui lui était arrivé en 1801 à propos des prêtres constitutionnels, en 1804 à l’occasion du sacre, en 1809 au sujet de la fermeture des ports pontificaux aux Anglais, ce qui devait lui arriver encore après la clôture du concile national et plus tard à Fontainebleau. Mis directement en présence de Napoléon, il se trouvait (était-ce bien étonnant ?) qu’à la longue le malheureux chef de la catholicité, tiré en sens divers par les inspirations, toujours honnêtes, mais parfois contradictoires, de sa conscience pontificale, finissait par n’être plus de force contre le puissant chef de l’empire, que ne troublait à coup sûr aucune complication de ce genre. Telle était en effet la pente naturelle de Pie VII, qu’il ne pouvait longtemps résister aux incertitudes que faisaient naître en lui les points de vue multiples de son esprit, les subtils raffinemens de sa conscience, et par-dessus tout les timides conseils de sa touchante modestie. « Les talens de Pie VII, nous dit l’un de ses ministres, le cardinal Pacca, qui l’a si bien connu, étaient loin d’être médiocres. Son caractère n’était ni faible ni pusillanime ; il se faisait au contraire remarquer par la résolution et la vivacité de son esprit. Suffisamment versé dans les sciences sacrées, il était doué de ce tact rare qui fait envisager les affaires sous leur véritable jour et qui en pénètre les difficultés… » Mais à tant de belles qualités se joignait une disposition naturelle que les uns ont regardée comme une vertu, les autres comme un défaut. Son premier coup d’œil dans les affaires, sa pensée première,

  1. Neuvième lettre des évêques députés au ministre des cultes.