Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/572

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le plus grand regret passer un temps précieux. Je devais lui faire observer que ce n’était pas avec des propositions et des conditions excessives qu’il réussirait avec votre majesté, que l’habitude de l’empereur était de proposer et non d’accéder. Une concession qui ne serait pas totale laisserait les choses dans leur état. J’ai ajouté que c’était par de bonnes manières qu’il obtiendrait quelque chose de votre majesté, et non par des refus qui ne feraient que la convaincre de l’impossibilité d’un accord et ajouter à sa puissance et à la validité de sa causé. Si l’empereur avait daigné accorder beaucoup à son église, c’était parce qu’elle s’était adressée à lui par l’organe de sujets soumis et en vue du bien général. Sans doute l’empereur accorderait encore beaucoup à la condescendance et à la preuve des bonnes dispositions de sa sainteté, mais ns céderait jamais à des propositions équivoques et qui ne donneraient aucune garantie. Au surplus, sa majesté obtiendrait de son concile plus qu’elle ne demandait en ce moment, ses projets s’accompliraient par là plus pleinement encore, car. l’empereur ne pouvait rien perdre dans sa position, tandis que lui, Pie VII, verrait l’église et toute la population du grand empire le blâmer de n’avoir compté pour rien ni leurs larmes ni leur repos, et ses successeurs lui reprocheraient également d’avoir laissé perdre une circonstance favorable à l’église, et qui ne se représenterait plus. J’ai terminé en disant que, s’il était environné de ses amis, ils se jetteraient tous à ses pieds pour le conjurer de ne pas sacrifier ainsi à de vains scrupules le bien de l’église, le repos des peuples, son sort et le leur. Peut-être pouvait-il se méfier de moi. Cependant le langage de la vérité avait sa force par lui-même, et d’ailleurs il devait voir que je n’étais guidé que par elle dans une circonstance où je pouvais demeurer si parfaitement tranquille sur les droits et sur le succès des plans de mon souverain.

« Je ne dois pas dissimuler, continue le préfet de Montenotte avec une visible satisfaction, que ce discours, qui avait plus de vigueur dans la conversation, par l’habitude que j’ai de parler librement avec le pape, a fait une forte impression sur lui… Il ne m’a répandu que par des raisons très faibles, et l’expression de craintes fort exagérées que j’ai assez aisément dissipées… Le pape n’a presque plus rien opposé,… il était ému… Bref, il a dit qu’il désirait voir les évêques tout de suite pour examiner avec eux si les choses pouvaient se combiner. Il connaissait bien lui-même le caractère de sa majesté ; il était convaincu qu’il n’obtiendrait rien qu’en accédant à ses désirs, car il comprenait que ses refus le fortifieraient auprès du concile… J’ai pu remarquer, ne craint pas d’affirmer le préfet de Montenotte, que le pape était moins retenu par sa conviction que par un amour-propre qui se déguise chez lui sous la forme d’inquiétudes de conscience. J’ai ajouté tout ce que j’ai pu aux raisons que j’avais développées, et, le laissant dans une situation d’esprit plus