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que l’empereur avait longtemps refusé d’y consentir. « En la proposant, les évêques n’avaient eu d’autre but que d’éviter de plus grands maux. Probablement le concile l’adopterait. Il ne tenait donc qu’au pape de prévenir l’intervention des conciles provinciaux, et, s’il alléguait des motifs de refus relatifs au personnel des évêques nommés, jamais un empereur raisonnable ne refuserait de les entendre, ni le concile national d’y accéder, pourvu qu’ils fussent fondés. » Ces argumens de M. de Barral et de ses collègues ne semblèrent pas produire grand effet sur les convictions du saint-père. Le soir même de cette conversation, ces messieurs furent admis à se promener avec Pie VII dans le petit jardin attenant à l’évêché de Savone. L’entretien devint bientôt familier, et les affaires déjà traitées le matin ne tardèrent pas à être remises sur le tapis par le pape lui-même. La discussion n’en fut pas très suivie. Elle fut entremêlée de narrations faites avec gaîté par Pie VII sur ce qui s’était autrefois passé à son ancien évêché d’Imola. Il raconta plusieurs anecdotes relatives au général Hullin et à d’autres généraux de l’armée d’Italie, plaisantant agréablement sur la peur que les Autrichiens et les Français avaient faite tour à tour en 1797 à ses malheureux diocésains. Le plus souvent Pie VII s’adressait en italien à son compatriote le patriarche de Venise, soit parce que celui-ci connaissait les localités en question, soit parce qu’il trouvait un certain plaisir à converser dans sa langue maternelle. La faveur témoignée à leur collègue d’outre-monts sembla même exciter quelque peu la jalousie des évêques français[1].

Les choses n’avancèrent pas toutefois beaucoup durant cette entrevue d’un caractère tout à fait intime. Ce n’est pas, ainsi qu’ils s’en vantaient au ministre des cultes, « que la bouche des évêques fût restée close non plus ; mais, écrivaient-ils tristement à M. Bigot de Préameneu, nous n’avons pu rien gagner, et nous n’espérons pas grand’chose tant qu’il s’agira des quatre propositions. » Ils n’avaient rien obtenu non plus sur l’expédition des bulles et la clause additionnelle au concordat. « Les principales objections du saint-père, sur lesquelles il revient sans cesse, sont la privation totale de ses conseils, l’importance de l’affaire pour l’église en général, les exceptions que pourraient demander ses droits particuliers sur les évêques d’Italie, le défaut de liberté, l’inconvénient grave de rendre

  1. « Le plus souvent le pape s’adressait visiblement au patriarche de Venise, même en répondant à chacun de nous, soit parce qu’il est plus au fait que nous des localités qu’ils se rappelaient l’un et l’autre, soit parce qu’il parle l’italien, ainsi que le saint-père, avec volubilité et clarté, et ces deux volubilités semblaient se plaire réciproquement. » Troisième lettre des évêques députés au ministre des cultes, 13 mai 1811. — Fragmens historiques, p. 272.