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plus claires notions de l’esprit et de la conscience dans ces questions de nature mixte où sont si fatalement et si inextricablement mêlées les affaires de la religion et celles de l’état. Quoi qu’il en soit, la redoutable épreuve au-devant de laquelle ils marchaient avec tant de confiance fut épargnée aux évêques, car le pape les éconduisit poliment en leur faisant sentir qu’il ne les considérait pas comme suffisamment désintéressés. Venant aux matières qui étaient en discussion, Pie VII expliqua nettement à ces messieurs « qu’il n’avait jamais rien fait, et qu’il n’avait pas. l’intention de rien faire de contraire à la déclaration de 1682, et qu’il était disposé à laisser les choses en statu quo, mais quant à s’engager solennellement, c’est-à-dire par écrit, il ne fallait pas le lui demander : le pape Alexandre VIII ayant peu de temps avant de mourir condamné et cassé la déclaration, il ne lui était pas possible de rétrograder ouvertement. A laisser de côté son opinion personnelle, dont il ne parlait pas pour le moment, son consentement serait regardé dans l’église comme arraché par la lassitude de sa captivité, et sa mémoire en serait à tout jamais flétrie. Depuis le commencement de ses traverses, rien ne lui avait encore été demandé qui eût tant d’amertume pour son cœur et pour sa conscience. Cette répugnance ne regardait pas d’ailleurs la première des quatre propositions, sur laquelle il pourrait aisément tomber d’accord avec eux… Le ton que le saint père avait pris en disant ces choses était touchant, ajoutent les évêques, et n’avait pas la moindre aigreur[1]. »

Quant aux bulles d’institution canonique, le pape ne se montrait pas éloigné de les donner aux évêques nommés par l’empereur. Il répéta que, si on lui rendait ses conseils, tout pourrait s’arranger. « Ce n’était pas tant de la privation de ses états qu’il se plaignait que de l’emprisonnement du chef de l’église, des violences commises à l’égard de tant de cardinaux et d’évêques, et de tout ce qui avait eu lieu lors de l’occupation de Rome. La clause relative à l’institution canonique blessait sa sainteté : 1° parce que le terme de trois mois était trop court, 2° parce qu’en l’admettant le jugement de l’aptitude des sujets nommés appartiendrait à l’empereur seul, 3° parce qu’en dernière analyse le métropolitain deviendrait juge des refus du saint-siège, 4° parce que surtout un pauvre homme, a-t-il dit, seul comme il est, ne doit pas prendre sur lui un si grand changement dans l’église[2]. » Alors les députés s’étaient mis à disculper l’empereur, disant, ce qui était vrai, que la clause qui affligeait tant sa sainteté avait été suggérée par quelques évêques, et

  1. Deuxième lettre des évêques députés au ministre des cultes, 12 mai 1811. — Fragmens historiques, p. 269.
  2. Ibid.