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ministre des cultes, dans l’impossibilité où il était de donner des tulles et de prendre un parti quelconque « sans avoir ses conseillers naturels, ses théologiens, ni les moyens de recevoir les informations convenables sur l’aptitude des sujets, privé même qu’il était de son confesseur, qu’on a refusé de faire revenir, de livres, de plumes et de papier ; mais au milieu de ses plaintes il n’a pas insisté, continue M. de Barral, sur la nécessité de son retour à Rome[1]. » En présence de ces dispositions du saint-père, les trois évêques députés n’avaient pas jugé opportun de lui parler de la condition mise par l’empereur à sa liberté, à savoir qu’il ferait la promesse formelle de ne rien entreprendre contre la déclaration de 1682. « Cette réserve leur avait paru d’autant plus nécessaire, dit toujours M. de Barral, qu’en prenant lecture de la lettre du cardinal Fesch, qu’ils venaient de lui remettre, Pie VII allait bientôt connaître à quel prix il pouvait obtenir la fin de sa captivité. En l’énonçant, nous aurions craint, ajoutait M. de Barral, de perdre une partie de la bienveillance qu’il importait d’inspirer au saint-père. Il sera temps d’en venir là à la prochaine audience, quand nous l’y trouverons mieux préparé. » La seconde audience, pendant laquelle les trois évêques, évidemment embarrassés de leur rôle, espéraient trouver un peu plus de courage pour se décharger de leur désagréable commission, fut remise par le saint-père au surlendemain, « car il avait besoin, disait-il, de quelque temps pour lire les dix-sept ou dix-huit lettres de cardinaux et évêques qui venaient d’être déposées sur sa table. »

Ces momens de répit réclamés par Pie VII ne furent point toutefois perdus par le préfet de Montenotte. Il en profita pour venir en aide aux évêques députés en organisant autour de la personne du pape un service d’un genre particulier, sur l’efficacité duquel il comptait beaucoup plus que sur la puissance d’argumentation des prélats. D’après les prévisions de M. de Chabrol, les raisonnement de toute sorte, quelle qu’en fût la valeur, n’auraient pas chance de produire grand effet sur l’esprit du saint-père. Il valait mieux tâcher d’émouvoir son cœur, faire appel à sa sensibilité et agir sur ses nerfs[2]. Mais laissons sur ce sujet la parole à M. de Chabrol, car de semblables incidens doivent être pris sur le vif pour ainsi dire, et

  1. Première lettre des trois évêques au ministre des cultes, 10 mai 1811.
  2. « Mgr l’archevêque de Tours rend à votre excellence an compte détaillé de sa première entrevue avec le pape. Nous avons pensé d’un commun accord qu’il fallait particulièrement attendrir le pape et émouvoir son cœur dans la situation où il s’est placé. Il semble prêt à repousser toute discussion et tout raisonnement, mais il semble accessible a la sensibilité… » (Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 10 mai 1811.)